[Expo] Sam Szafran - Obsessions d'un peintre - Musée de l'Orangerie - Paris - du 28/09/2022 au 16/01/2023

LA FORME DU SILENCE
Le musée de l’Orangerie expose les oeuvres de Sam Szafran. Captivant.


Le musée de l’Orangerie consacre une exposition à l'oeuvre de Sam Szafran. Nous nous y rendons. Suivez-nous.
 

Nous parcourons les salles du Musée de l'Orangerie,. L'accrochage des oeuvres est une réussite, le parcours est plaisant et l'éclairage fort agréable. De quoi découvrir l'oeuvre de l'artiste dans d'excellentes conditions. Sam Szafran choisit le pastel pour réaliser ses oeuvres, à contre-courant de son époque. Armé de ses bâtonnets de pastel, Sam Szafran prend comme sujet son atelier de travail. La verrière zénithale reflète les couleurs de bâtonnets dans leur boîte de rangement. La femme de l'artiste, Lilette, est assise dans le décor. Un exercice d'observation renouvelé encore et encore, avec de subtiles variations en fonction de l'état émotionnel de l'artiste. 


L'atelier de la rue de Crussol, Interior II, mai 1972, pastel

Dans la série de l'Imprimerie Bellini, Sam Szafran prend comme sujet l'atelier parisien qu'il a repris avec des associés. Il représente tout un collectif de travail avec des artistes, des artisans et des machines. Sam Szafran choisit plusieurs points de vue pour figurer le lieu. Les boîtes de pastels sont placées en bas de l'escalier de l'imprimerie. Les couleurs resplendissent au bas des marches plongées dans la pénombre.
 



Série Imprimerie Bellini, 1972, pastel

Sam Szafran décide de mettre à l’épreuve le regard. Il déconstruit la perspective d'un escalier en colimaçon, menant à l'appartement de l'éditeur de la revue de poésie "La Délirante". A partir de ce sujet, il expérimente les possibilités de voir la réalité autrement. Il déforme la vision et restitue avec précision les images obtenues.

Escalier de La Délirante, rue de Seine, 1972, fusain sur papier

Petit à petit, les images s'ouvrent à l'extérieur. Les autres immeubles sont visibles par la fenêtre. A partir des années 1990, l'artiste étend la figuration à la rue autour de l'immeuble, puis au quartier. Il s'agit de faire ce qui n'a pas encore été fait en peinture. Les formats des toiles augmentent alors en taille. Sam Szafran doit quitter le pastel pour l'aquarelle. Il donne une nouvelle fraîcheur à cette technique alors passée de mode.


Sans titre (Rue de Seine), 20128, aquarelle et pastel sur soie

Après les ateliers, l'imprimerie, l'escalier et le paysage urbain, place maintenant au thème des plantes, qui conclut cette belle exposition. L'obsession de Sam Szafran pour la figuration des plantes remonte au printemps 1966. Le peintre chinois Zao Wou-Ki prête alors son atelier parisien à Szafran. Un magnifique philodendron trône sous la verrière. C'est le choc artistique. Pendant un demi-siècle, Szafran va sans cesse travailler la représentation de plantes. Il commence au pastel et au fusain, puis compose des feuillages bleus, avec un jeu de répétition et de multiplication. Petit à petit,  le végétal prend toute la place dans d'immenses serres. Survit la silhouette de Lilette, habillée d'un kimono.


Sans titre, 1989, aquarelle


Hommage à Jean-Clair pour son exposition « Cosmos », 2012, aquarelle

Nous sortons ravis. Quelle belle utilisation du pastel et de l’aquarelle. Quelle tendresse dans le trait pour représenter le chaos de son atelier, les escaliers en colimaçon au vide inquiétant, les espaces envahis par une végétation luxuriante. Une très belle exposition.

Il nous reste un point de compréhension en suspend. Nous n'avons pas pris le temps de lire la biographie de Sam Szafran qui est écrite au mur à l'entrée de l'exposition. Nous avons plongé dans l'oeuvre sans plus d'explication. Nous nous renseignons après coup. Né en 1934 à Paris de parents émigrés juifs polonais, Sam Szafran grandit dans le quartier des Halles. Son père est arrêté dès le début de la seconde guerre mondiale et meurt en déportation. Sam, sept ans, parvient à s'échapper lors de la rafle du Vel d’Hiv en juillet 1942. Il est arrêté par la Waffen-SS à l’été 1944, à neuf ans. Il est transféré au camp de Drancy. Libéré après la fuite des Allemands le 18 août, il échappe à la déportation et retrouve sa mère. Nous comprenons mieux le choix de l'artiste, après un tel traumatisme, de se concentrer sur son environnement proche, comme une forme de silence face au deuil. L'histoire de Sam Szafran résonne avec l'exposition récente consacrée à la rafle du Vel d'Hiv que nous avons vue au Mémorial de la Shoah (ici).



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