Après la Shoah – Mémorial de la Shoah – Paris – du 27/01 au 30/10/2016 - Compte-rendu de visite

RESCAPES, REFUGIES, SURVIVANTS. 1944 - 1947
Le retour à la vie à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

« Ils ne nous pardonneront jamais
ce qu’ils nous ont fait »

Entre 1944 et 1945, l’Europe est lentement libérée du joug nazi. C’est le jour d’après. Le bilan humain est effroyable : entre 60 et 80 millions de morts, des millions de blessés. Trente à quarante millions d’Européens sont déplacés (civils et combattants). De nouvelles tensions politiques internes et internationales apparaissent.

L’exposition « Après la Shoah » se focalise sur les rescapés de la tentative de destruction du peuple Juif par les nazis et leurs alliés. Il s’agit de faire état de la diversité des situations dans le chaos de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, entre fin juillet 1944, date du premier camp libéré et l’automne 1947, à la veille de l’indépendance d’Israël. 

L’exposition est constituée de photographies, de documents, de films d’archives, de montages audiovisuels et de nombreux objets. Le sujet de l’immédiat après-guerre est difficile à traiter. Comment évoquer le chaos, la joie, la souffrance sans tomber dans la confusion et le voyeurisme ? Nous pouvons faire confiance au Mémorial de la Shoah pour éviter ces écueils, tant ce musée excelle à présenter des expositions avec clarté, intelligence et justesse de ton. La scénographie évoque le chaos au moyen de boîtes empilées, comme autant de valises, de maisons éventrées, de lieux vidés de leurs occupants, de pertes et de souvenirs. Comme un jeu de reconstruction géant.

 

Les explications parviennent à présenter de manière simple l’immense complexité de l’après-guerre. Des cartes nous aident à mettre en relation les chiffres hallucinants des personnes déplacées et la géographie à l’échelle européenne. Les explications sont regroupées en espaces thématiques qui suivent un ordre chronologique. Cette évocation du passage du temps nous aide à mettre en perspective les innombrables questions auxquelles l’Europe a dû faire face. Comment les Juifs ont-ils vécu leur retour à une vie normale? Comment les minorités juives reprennent leur destin en main après avoir été décimées ? Comment surmonter l’humiliation ? Quelle justice demander ? Comment témoigner de la persécution ? Par souci de clarté, le Mémorial a choisi trois pays pour approfondir les thématiques : la France, la Pologne et l’Allemagne. 

 

L’exposition montre la différence entre trois réalités différentes. Les rescapés ont vécu dans la clandestinité, les réfugiés ont fui leur pays, les survivants sont ceux qui ont réchappé à un lieu de mise à mort (camps, ghettos). Les survivants sont peu nombreux (environ 60 000 dont une partie meurent dans les premières semaines après leur libération). Dans les territoires sous contrôle nazi, sur 10 millions de Juifs en 1939, 6 millions de Juifs ont été assassinés. Les destins sont fort différents. Si les Juifs français reprennent en main leur destin, les Juifs d’Europe de l’Est font toujours face à la haine (en Pologne, en Roumanie, en Hongrie) et souhaitent migrer en nombre. Mais où aller ? L’esprit vacille à tenter d’appréhender la détresse et la misère de ces personnes. Leur famille a été anéantie ou dispersée, leur logement est détruit ou occupé par d’autres, leur travail a été accaparé, leurs ressources ont été volées, ils affrontent les carences, la faim, la maladie, le froid, la chaleur.

200 000 à 250 000 juifs, une majorité de Polonais, se retrouvent internés dans des camps pour « personnes déplacées », aménagés par les Alliés, dans l’attente d’une solution, souvent une émigration. La violence et l’arbitraire n’épargnent pas ces camps. Nous vous conseillons au sujet de ces camps de lire le témoignage glaçant de Tadeusz Borowski dans son livre «Le monde de pierre ». Face à l’ampleur du désastre humain, des aides financières, matérielles et sociales sont mises en place par les pouvoirs publics et par des organisations juives. L’exposition se poursuit par le thème de la justice à rendre, y compris la question de la restitution et de la réparation des biens. La construction de la mémoire de la Shoah est bien entendu traitée. Les situations diverses rencontrées par les survivants sont évoquées au travers de cinq parcours individuels.

Une exposition fort instructive dont nous ressortons abasourdis par l’évocation de tant de destructions et de souffrances.