[Expo] La Musique dans les camps nazis - Mémorial de la Shoah - Paris - du 20/04/2023 au 25/02/2024

LE CHANT DES OISEAUX
Le Mémorial de la Shoah à Paris présente une exposition sur la musique dans les camps nazis. Poignant et instructif.

Loin dans l'infini s'étendent
Les grands prés marécageux,
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux.
Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.

Le Chant des déportés ou Chant des marais - 1933

La musique a résonné quotidiennement dans les camps de concentration et les centres de mise à mort du régime nazi. Pourquoi une telle présence musicale dans des espaces où les libertés les plus fondamentales étaient bafouées ? Le Mémorial de la Shoah à Paris présente une exposition pour répondre à cette question. Nous nous y rendons. Suivez-nous.

 

Brassard du chef de l'orchestre des détenus de Sachsenhausen [1942-1944], camp de Sachsenhausen

L'exposition est située au 1er étage du Mémorial. Les salles présentent de nombreux témoignages, des instruments, des partitions, des dessins réalisés par les détenus. Les musiques jouées dans les camps sont diffusées en fond sonore.

 
Pourquoi jouer de la musique dans de tels lieux ? L’usage principal de la musique est, à l'initiative des autorités des camps, la mise au pas et l’annihilation des détenus. Le second usage est fait par les détenus, en tant que stratégie de survie psychologique.

Dès l’ouverture des camps de concentration en 1933, les commandants SS mettent en place des orchestres de détenus. Il s'agit de donner la cadence. L’orchestre joue sous la contrainte. La musique rythme la journée au camp : le départ et le retour du travail, l’appel des détenus. Ainsi que les punitions et les exécutions de prisonniers. La musique contribue au fonctionnement correcte de la machine nazie.

Jan Komski, Im Lager Auschwitz war ich zwar 1990-1997 

 

Hans Peter Sørensen, L'orchestre du camp de Neuengamme joue Alte kameraden pour une exécution, été 1945

Władysław Siwek A la porte, 1946

Dans les baraquements, la musique est utilisée comme un outil de résistance artistique et spirituelle. Les partitions manquent. Il s'agit de chanter ou jouer de mémoire. Des chants traditionnels ou folkloriques de divers pays, des chansons en vogue, du cabaret, les hymnes des camps. Nombre de survivants ont témoigné de l'impact régénérant de la musique.

L'administration SS ou les chefs de blocs autorisent parfois la musique, comme moyen de limiter les risques de soulèvement des détenus face aux brutalités endurées.

 

Gerhard Zimmermann, Recueil de chansons, 1942-1945, camp de Sachsenhausen

La musique clandestine est chantée à voix basse ou est couchée sur le papier et reste muette.
Le Chant des marais est écrit en juillet 1933 par des prisonniers allemands antinazis au camp de Börgermoor. Le travail consistait à assécher les marais.

Josef Pribula, livre illustré clandestin, 1944-1945, camp de Buchenwald

La musique résonne même dans les centres de mise à mort, soulignant le cynisme organisationnel du régime nazi. Les orchestres distraient les SS et les détenus juifs des Kommandos au service de la machine de mort. De quoi assurer un travail efficace.

A Treblinka la musique accompagne le processus de mise à mort de 1,8 million de victimes juives, ainsi que des milliers de victimes roms et sinti.

Mieczysław Kościelniak, Retour du travail, camp d'Auschwitz-Birkenau, 1950

La musique résonne également à Theresienstadt. Ce « camp-ghetto » voit passer de nombreux artistes avant leur déportation vers les chambres à gaz. Le camp sert de « vitrine » au régime nazi, qui y autorise trois visites de la Croix-Rouge.

 

Bedřich Fritta, Logement sous les combles, 1943-1944, camp de Theresienstadt

 

Nous sortons de l'exposition en ayant appris de nombreux faits qui nous étaient méconnus. Une fois encore le Mémorial de la Shoah propose une exposition riche en informations claires et en documents exceptionnels.