[Concert] New Model Army - 40+ years of music - Le Trabendo - Paris - 10/11/2022

TRAVERSER LA MER
Model Army fête ses quarante années de carrière au Trabendo. Un concert magnifique.



Les tempêtes d'hiver et la neige qui tombe
Fil de fer barbelé à lame rasoir et les mouettes qui crient
Traverser la mer ou mourir en essayant


Die trying - Album Winter - 2016


La tournée des 40 ans de carrière de New Model Army passe par Paris, au Trabendo, après deux années de report en raison de la pandémie COVID-19. Nous fonçons. Suivez-nous.

 
Dans le public nous retrouvons les têtes familières des concerts de New Model Army. Le groupe a annoncé trois heures de concert. Le concert démarre à 19h30. Justin Sullivan arrive seul sur scène, s'accompagnant à la guitare acoustique amplifiée. Il chante « Family Life » (la vie de famille) avec une émotion rageuse. « Et après tout ce temps et après toutes ces paroles / Tes mains tremblent encore ». Il est rejoint par Dean White à la guitare électrique pour « One Bullet ». Justin s'exprime ensuite en français : «Nous allons d'abord jouer une entrée puis le repas comme en dit en France ». L'énergique « Snelsmore Wood » fait monter la tension d'un cran : « Qu'il ne soit pas dit que toute chose doit mourir / Sans qu'une trace ne soit laissée de son passage ». Yeux exorbités, Justin éructe le refrain : « Tu peux laisser ta colère devenir folle ». Le leader charismatique vit sa musique à fond. La guitare électrique hurle des larsens maîtrisés. Le public est immédiatement saisie par la fièvre intense causée à l'écoute de la musique des anglais. Le bassiste Ceri Monger entre sur scène et s'empare d'une guitare acoustique. Le batteur Michael Dean le rejoint aux percussions. Le quatuor joue « Die Trying » de l'album « Winter », une chanson sur les réfugiés qui tentent de traverser la Manche depuis la jungle de Calais. Sur la ballade « Lovesongs », Dean White passe aux synthétiseurs. La batterie commence à taper plus durement. L'éclairage du concert est superbe, des rouges profonds, des violets enveloppants. Le son est parfait, chaque musicien est identifiable. La voix est claire et chaude. Un son qui honore l'excellence de la musique jouée ce soir. Le public applaudit avec force la prestation.
 
Justin nous dit avoir écrit beaucoup de textes sur la famille. La chanson suivante parle de quand on est jeune et qu'on regarde vers le haut. « Maintenant, comme beaucoup d'entre vous ce soir, nous sommes devenus parents et nous regardons vers le bas ». C'est « A Liberal Education » avec ses délicats arpèges, sa guitare lancinante, sa frappe martiale. « Nous ne voulions pas une victoire / Nous voulions juste nous battre / Mais tu ne te battrais pas / Et personne ne te respecte pour ta faiblesse ». Justin, habité par sa vision, totalement engagé dans sa narration, tient la salle dans sa main. La fosse oscille en rythme et chante les paroles. Nous nous rendons à l'évidence que le guitariste Marshall Gill ne sera pas là ce soir. C'est en quatuor que New Model Army défend son répertoire. Les chansons sont remaniées à cette occasion. En l'absence de la guitare de Marshall Gill et ses influences blues heavy, le jeu de New Model Army est plus compact et gagne une certaine souplesse. « Inheritance » est une histoire de famille, compliquée comme il se doit. Ceri Monger a pris sa basse et complète à la perfection la batterie de Michael. Tous deux sont impressionnants de subtilité. Quel rythme imparable. New Model Army lance immédiatement derrière « Bad Old World ». La basse roule à merveille. L'acoustique est impeccable. Tout est en place. Nous sommes tous engagés physiquement et émotionnellement. La vibration est maintenue avec « Frightened ». Justin blague ensuite sur le fait qu'il est comme tous les anglais, il essaye de parler français dix minutes et après il parle anglais. Il explique que le groupe a rapporté d'Afrique du Sud un marimba au son magnifique qui a coûté un euro. C'est « Red Earth » et ses percussions impeccables. C'est dans cette ambiance de terre rouge que finit la première partie du concert. Cinquante minutes de concert. « Quinze minutes de pause » nous annonce Justin.
 

Nous profitons de la pause pour aller saluer des connaissances. Nous nous plaçons au troisième rang devant la scène. New Model Army revient et attaque le riff rampant de « Christian Militia ». « Lust for Power » lance avec rage la deuxième partie du concert sur ses rails. La fosse exprime sa reconnaissance par un fougueuse agitation. Le riff vachard de « Never Arriving » est le premier extrait pour ce soir de « From Here », quinzième album studio sorti en 2019. Le morceau bénéficie d'un fort joli passage atmosphérique souligné par le chant aérien du batteur. Justin nous dit que le morceau suivant n'a malheureusement pas besoin d'introduction. C'est « Here Comes the War ». Sous la pulsation hallucinante, la fosse explose. Elle hurle le refrain : « Voici la guerre - éteignez les lumières de l'Âge de Raison ». le morceau suivant, « Believe It », est un mid-tempo ultra efficace à chanter tous ensemble.  Justin, nous explique ensuite que l'été qui vient de passer était étrange : « Nous avons ressenti cet été comme le premier été d'après et le dernier été d'avant. Ce sentiment étrange flotte dans l'air. Nous vivons à un époque de Make America great again, de Make Russia great again, de Make France great again et du Fucking Brexit». Il explique avoir réfléchi aux évènements qui ont conduit la Grande Bretagne dans autant de problèmes. Pour Justin tout a commencé dans les années quatre-vingt. Il nous dit que le groupe va jouer deux chansons qui ont capté ce qui se passait à l'époque. Ce sont « 1984 » et « The Charge » avec ses claviers percussifs et sa batterie martiale en intro : « Le massacre est maintenant terminé et l'ordre nouveau est consacré / Alors qu'un quart de la nation est abandonné loin derrière / Les dirigeants offrent les mots clichés, si vertueux dans la défaite / Mais personne n'a besoin de moralité quand il n'y a pas assez à manger ».
 

 
Le morceau suivant est « Devil's Bargain » avec ses claviers de messe funéraire, sa frappe rigide et un chant hanté. Puis un hypnotique « Maps » avec une batterie énorme. « Where I Am » appuie l'ambiance fraternelle de la soirée. Justin nous narre une anecdote : « Nous avons beaucoup tourner cet été en Europe. Nous avons fait un concert en Turquie à Istanbul. Les stambouliotes nous attendaient depuis trois ans, de report en report. Ils avaient fait un énorme stock de tee-shirt avec les paroles du groupe traduites en turc. A la fin il leur en restait alors on a décidé de les vendre à la date suivante en Grèce. Croyez-vous qu'il est possible de vendre aux grecs des tee-shirts NMA écrits en turc ? La réponse est oui. Les Grecs ont le même sens d'humour et d'ironie que nous tous. A bas tous les drapeaux ! ». Il lance le riff énervé de « Angry Planet ». La fosse se déchaîne, ça pogotte à tout va. Nous faisons quelques pas de côté vers la périphérie du pogo pour nous contenter de danser. Le groupe poursuit avec « Born Feral ». Ceri Monger cède sa basse à une personne supplémentaire, qui a rejoint le groupe sur scène le temps de ce morceau, et se met aux percussions, ce qui permet une envolée rythmique de toute beauté. Justin hurle à pleins poumons qu'il est en proie à de mauvais rêves. Le public en sort essoré et conquis avant que « Before I Get Old » n'enfonce le clou : « La vraie raison pour laquelle nous sommes tous ici / Vivre à fond sans toutefois mourir/ Avant de vieillir ». L'hymne « Vagabonds » fait trembler le Trabendo. La rythmique New Wave de « The Hunt » sonne l'appel à la chasse. « Et nous pourrions passer toute notre vie à attendre que justice soit rendue / À moins que nous la rendions nous-mêmes ». Les chansons de New Model Army sont des microcosmes d'émotions, parfois contradictoires. Justin poursuit ses réflexions : « Nous vivons à une époque qui peut être considérée normale au regard de l'histoire de la race humaine. Quand vous projetez votre regard dans un an vous n'avez aucune idée de ce que à quoi le monde va ressembler. En tout cas on vous souhaite bonne chance ». Le groupe poursuit avec « Fate ». Le chant de Justin Sullivan est enflammé. Le chanteur nous régale de sa verve et de sa fougue.
 
 
Avant de clôre la seconde partie, Justin prend date pour la prochaine soirée : « Si ce n'est pas la fin du monde alors peut-être à l'année prochaine ou peut-être à dans quatre ans ou un jour à Paris quelque part. Merci d'avoir attendu deux ans ». La « Ballad of Bodmin Pill » conclut le concert. New Model Army a su avec brio s'adapter à l'absence du cinquième larron Marshall Gill. En formation à quatre, les musiciens ont assuré un show compacte et exaltant. Le public réclame un rappel. 2h20 de concert à ce stade de la soirée. Quel anniversaire ! Le groupe revient sur scène. Justin plaisante sur la stupide idée d'avoir annoncer trois heures de concert. Ce n'est pas tenable à un tel rythme. Néanmoins le groupe va nous jouer quelques autres morceaux. Des spectateurs demandent certains titres. Justin se marre : « Ce n'est pas la peine de hurler les titres. Nous avons 250 chansons ». C'est parti pour « No Rest », tuerie post punk datant de 1985. « Quatre heures du matin et nous ne pouvons toujours pas dormir / Nous retournant, nous agitant, nous tordant dans notre sueur / Ils disent qu'il n'y a pas de repos pour les méchants / Mon Dieu, qu'avons-nous fait ? ». Une énergie folle. Justin s'amuse : « Ce n'est pas une tournée d'anniversaire, ça devait l'être voici deux ans. Mais on va vous chanter celle-ci ». C'est le ravageur morceau « 51st State ». «Nous savons comment nettoyer nos dents et comment démonter une arme parce que nous sommes le 51ème état d'Amérique ». Justin nous quitte avec ces paroles : « On ne vous a pas beaucoup parlé de la guerre mais il n'y a rien que vous ne sachiez déjà alors on vous quitte avec cette chanson ». C'est « I Love the World », reprise à tue tête par la fosse. « Je sais que d'une manière ou d'une autre je survivrai / Cette fureur juste pour rester en vie / Tellement ivre de maladie, faible de douleur, je peux arpenter les collines une dernière fois / Blessé et souriant, mourant lentement, je hurlerai à l'adresse de plus personne / J'aime le monde ». Les musiciens savourent quelques instants les applaudissements et les sourires. Justin clôt le spectacle en écartant son micro d'un coup de poing rageur. Sortie de scène et fin du concert. 2h40 à un niveau d'intensité époustouflant.


Ce soir au Trabendo New Model Army a fêté avec passion et en communion ses plus de quarante années d'existence. Son rock sombre et énergique, mâtiné d'éléments folk, a encore séduit et emporté les spectateurs. La voix de Justin conserve sa rage et sa profondeur. Les musiciens sont excellents. Le son était parfait et les lumières de folie. La sélection de titres au programme de la soirée couvrait toute la carrière du groupe, avec des extraits de onze albums studio sur les quinze enregistrés en quarante ans. L'album « Thunder and Consolation » de 1989 était le plus représenté avec pas moins de six titres. La soirée était bien rythmée, avec un subtil mélange de morceaux calmes ou rapides, exaltés ou poignants, sans aucune baisse de régime. Justin, avec sa faconde intarissable, a mis en perspective le choix des morceaux, l'histoire du groupe et l'actualité du monde. Il a mis en avant l'importance de l'humanisme et de la raison, ainsi que la force de l'ironie, en ces temps de guerre et de montée des extrémismes. Il n'était cependant nul besoin de comprendre ce que dit Justin ni même de connaître les paroles des chansons pour apprécier le rock dynamique, mélodique et sensible de New Model Army. Servi par des musiciens brillants, les morceaux impeccables du groupe font mouche dans toutes les langues. Les spectateurs étaient enthousiastes devant tant de perfection et ont encouragé le groupe tout du long de ce superbe concert. Un très bel anniversaire partagé tous ensemble.


Setlist :

Set 1 :

  1. Family Life
  2. One Bullet
  3. Snelsmore Wood
  4. Die Trying
  5. Lovesongs
  6. A Liberal Education
  7. Inheritance
  8. Bad Old World
  9. Frightened
  10. Red Earth


Set 2 :

  1. Christian Militia
  2. Lust for Power
  3. Never Arriving
  4. Here Comes the War
  5. Believe It
  6. 1984
  7. The Charge
  8. Devil's Bargain
  9. Maps
  10. Where I Am
  11. Angry Planet
  12. Born Feral
  13. Before I Get Old
  14. Vagabonds
  15. The Hunt
  16. Fate
  17. Ballad of Bodmin Pill

 Encore:

  1. No Rest
  2. 51st State
  3. I Love the World


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