Georges Brassens - La prière

J’ai en tête depuis ce matin la chanson « La prière » de Georges Brassens.
Je vous partage cette chanson. La voici chantée en 1965 dans l’émission «Douce France».




Le texte de la chanson est extrait du poème « Rosaire» de Francis Jammes, écrit en 1905. Ce poème retrace les moments de la vie de Jésus en trois parties, les « Mystères joyeux » (Annonciation, Visitation, Nativité, Purification), les « Mystères douloureux » (Agonie, Flagellation, Couronnement d’épines, Portement de croix, Crucifiement) et les « Mystères glorieux » (Résurrections, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Sainte Vierge).

Voici les paroles. Les titres en italiques figurent dans le poème.

« Agonie »

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie.

« Flagellation »
Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre
Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l'humiliation de l'innocent châtié
Par la vierge vendue qu'on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie.

« Portement de croix »
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S'écrie : « Mon Dieu ! » par le malheureux dont les bras
Ne purent s'appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne
Je vous salue, Marie.
« Crucifiement »
Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l'on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid
Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée
Par le baiser perdu par l'amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie

Du texte de Francis Jammes, Georges Brassens ne garde que la partie centrale, celle du chemin de croix de Jésus (à l’exception notable des strophes concernant le « couronnement d’épines »). En supprimant les deux parties qui encadrent le calvaire de Jésus, Georges Brassens écarte les événements qui annoncent le caractère messianique de Jésus et ceux qui, après sa mort, déclarent que Jésus est le Christ-Roi sacrifié et ressuscité. Si le texte intégral de Francis Jammes sublime la souffrance et questionne le rôle du poète face à la divinité, Georges Brassens ajoute un dernier couplet de son cru qui parle de bonheur retrouvé en termes très simples. Ainsi débarrassée de la dramaturgie chrétienne, sans pouvoir divin pour lui donner ou le reprendre le contrôle de sa vie, le bonheur de l’homme est entre ses mains. Le « Je vous salue Marie » est alors un salut païen à la femme qui perdit son fils.

Il est à noter que Georges Brassens a utilisé la même mélodie pour deux de ses chansons, "La prière" et « Il n’y a pas d’amour heureux », son interprétation du poème d'Aragon. Il reprend ainsi une tradition du XIXème siècle qui autorisait d'utiliser une même mélodie de base (on disait un « timbre ») avec des paroles différentes. Du coup lorsque je chante « La prière » dans ma tête, les paroles du poème d’Aragon surgissent et les deux textes s’entrelacent. C’est d’autant plus aisé que les deux textes ont des mots en commun, notamment au début du poème d’Aragon :
« Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix »

Si vous voulez écouter la chanson « Il n’y a pas d’amour heureux » par Georges Brassens, c’est ici

Georges Brassens - La prière Georges Brassens - La prière Reviewed by Concerts expos by Pat on juin 07, 2015 Rating: 5

Aucun commentaire