[Expo] State of Deception : The Power of Nazi Propaganda - Parlamentarium - Parlement européen - Bruxelles - du 20/01 au 13/05/2018
Le Parlamentarium à Bruxelles présente «State of Deception», une exposition qui analyse la propagande nazie et explique comment elle a réussi. Passionnant.
« Si Adolf Hitler atterrissait aujourd'hui
Ils lui enverraient de toute façon une limousine »
The Clash - (White Man) in Hammersmith Palais (1977)
« - Vous n'êtes que de la merde juive !
- Oui ! De la merde !
- Vous êtes plus répugnants que des cochons !
- Oui ! Plus répugnants que des cochons !
- Vous êtes pires que des rats ! Pire que des poux !
- Oui ! Pire que des rats ! Pire que des poux !
- Un insecte a plus de droit de vivre que vous !
- Oui ! Oui ! »
Joseph Gourand, Les cendres mêlées
Les nazis étaient d'excellents propagandistes. Ils ont utilisé toutes les techniques modernes pour parvenir à leurs fins. Des images fortes, des messages simples, des slogans martelés, des fausses informations, des manipulations très élaborées, un discours de haine, des propos extrémistes, une logique d'adhésion. L'ascension des nazis semblait résistible. Ils ont pourtant réussi. Comment la propagande nazie a pu avoir un tel impact ? Comment réagissons nous aujourd'hui face à la propagande ? Savons nous la reconnaître ? Une superbe exposition éclaire notre lanterne. Suivez-nous.
Comment est-il possible que le peuple allemand, un peuple démocratique, éduqué, cultivé, ait adhéré massivement à l’idéologie nazie ? Voyons comment la propagande nazie est parvenue à ce tour de force, comment elle a réussi à tromper tout un peuple.
Pour que les nazis accèdent au pouvoir et poursuivent leurs politiques raciales et leurs efforts de guerre expansionnistes, il leur a fallu beaucoup d'habilité pour séduire de larges pans de la population.
Première étape d'un plan marketing impeccable : définir une identité visuelle puissante. Hitler a personnellement adapté le très ancien symbole de la croix gammée en utilisant des couleurs émotionnelles. L'identité ainsi créée est si forte que l'usage de la croix gammée est devenu un interdit dans de nombreux pays européens après la guerre.
Maintenant que le drapeau est choisi, il faut désigner le chef qui le brandit. La propagande nazie va développer un culte du chef (Führer) autour d'Hitler. L'image publique d'Adolf Hitler est orchestrée avec grand soin, ses apparitions sont maîtrisées. L'homme est charismatique. Il est présenté comme un chef messianique venu apporter la stabilité politique, l'emploi et l'unité nationale. Sa fougue séduit lors des rassemblements et des défilés. Sa voix porte. Elle est diffusée grâce aux moyens modernes de communication, radio, microsillon et haut parleurs.
Le matraquage publicitaire bât son plein. Les propagandistes multiplient les peintures, les affiches, les bustes. Ils impriment des millions d’exemplaires de l’autobiographie politique de Hitler, Mein Kampf (Mon combat).
La clé de l'idéologie, celle qui va susciter l'adhésion, c'est la création de la « communauté nationale » (Volksgemeinschaft). Cette communauté transcende la classe sociale, la religion et la région. Les grands mots sont employés, la propagande invoque le bien commun, l'unité, la fierté nationale, la grandeur de l'Allemagne. C'est l'union sacrée des Allemands «aryens». Le soutien populaire devient massif. Les élections sont gagnées en 1933. Le parti nazi est au pouvoir.
Le parti va dorénavant préparer le terrain pour l'avenir. Bientôt il appelera le public à se sacrifier pour son idéologie. Seul hic, la population allemande, qui a perdu 2 millions de personnes lors de la Première Guerre Mondiale, n'est pas prête à guerroyer. Le parti nazi, maintenant au pouvoir, va devoir vendre la guerre aux Allemands. Il s'agit de justifier l'utilisation de la force militaire comme étant nécessaire. Un argument simple c'est la légitime défense. C'est de la survie, c'est eux ou nous. Au nom de la légitime défense il sera possible de justifier auprès du public la conquête de territoires toujours plus vastes, le vol des richesses et les tueries de masse.
Tout d'abord, il faut un ennemi. C'est un facteur clé pour assurer la cohésion du groupe : il faut définir qui est exclu de l'adhésion. De nombreux Allemands ne sont pas les bienvenus dans la nouvelle communauté nationale. La propagande va travailler à fond pour définir qui est exclu de la communauté nationale et faire accepter par la population des mesures répressives de plus en plus brutales à l'encontre de ces exclus. La cible principale de la propagande nazie ce sont les Juifs. Les stéréotypes, repris et amplifiés au niveau de l'État, alimentent un discours de haine. Sont également visés les Roms, les homosexuels, les Témoins de Jéhovah, les personnes ayant une maladie mentale ou une handicap intellectuel ou physique. Et bientôt tout opposant à l'idéologie nazie.
Que devient l'éducation nationale ? C'est simple, l'éducation sous le Troisième Reich sert à endoctriner les élèves. Le peuple allemand est de race «aryenne», les autres peuples sont inférieurs, le Juif est un parasite. Après 1933 la plupart des éducateurs sont restés à leur poste et ont rejoint la Ligue nationale-socialiste des enseignants.
Pour parvenir à ses fins, le parti nazi doit écrire les actualités. Lorsque Hitler accède au pouvoir en 1933, il est face à 4 700 journaux allemands. Les nazis contrôlent moins de 3% de la presse. L'Etat s'empare des imprimeries des partis politiques dissouts. Il remet les équipements au parti nazi. Au cours des premières semaines de la prise de pouvoir, le régime nazi utilise à son profit tous les moyens de communication modernes. La propagande de la presse est relayée par haut-parleurs, par la radio, par la télévision, par les actualités filmées. Le régime attise la crainte d'un soulèvement communiste. Quelques troubles brillamment orchestrés et le tour est joué. Des mesures politiques sont prises. Elles limitent les libertés civiles. En quelques mois les organes de presse indépendants sont mis sous contrôle. La démocratie est tombée. L'Etat totalitaire nazi est en place.
Après l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939, le régime nazi veut éviter à tout prix que les citoyens allemands reçoivent des informations extérieures. Il interdit d'écouter des émissions étrangères sous peine d'infraction pénale. Toute personne qui diffuse une information en provenance d'une radio étrangère peut être condamnée à la prison ou à la peine de mort.
La Seconde Guerre Mondiale est déclenchée. La propagande nazie a réussi à obtenir le soutien, l'acquiescement d'une large partie de la population. Il s'agit dorénavant d'obtenir sa participation, jusqu'au sacrifice. La propagande nazie poursuit son entreprise de tromperie. L'agression militaire allemande est présentée comme nécessaire. L'Allemagne est présentée comme la victime. Le régime met en place une puissante propagande d'imposture et de leurre en Allemagne, dans les pays occupées par l'Allemagne et dans tous les pays.
Les victimes des persécutions sont elles mêmes dupées. La supercherie va jusqu'à autoriser la visite de la Croix-Rouge dans le camp de concentration de Theresienstadt, transformé le temps d'une visite en camp modèle, le tout pour calmer les rumeurs à propos des camps d'extermination.
Le culte nazi a été si intense que les Alliés effacent ses traces. Les rues sont renommées, les monuments, les statues, les bustes nazis sont détruits. Les signes, les symboles, les emblèmes liés au nazisme sont enlevés. La propagande nazie est supprimée des manuels scolaires, des médias allemands, des institutions religieuses. Les défilés nazis ou militaires sont interdits. Les hymnes nazis ne peuvent résonner.
Avant la défaite nazie, les Alliés avaient averti l'Allemagne de leur intention de punir les responsables d'actes criminels, devant l'ampleur de l'agression et des meurtres de masse. La punition vise également à discréditer la mortifère idéologie nazie. Le Tribunal militaire international ouvre à Nuremberg le 20 novembre 1945. Il est rendu public. La presse allemande, les stations de radio, les actualités filmées diffusent le reportage du procès. La tâche est ardue. En douze années au pouvoir, les dirigeant nazis sont parvenus à marquer profondément la société allemande. Il s'agit d'expliquer, de trouver de nouveaux mots pour remplacer les mots utilisés par les nazis. Dans son oeuvre de tromperie généralisée, la propagande nazie a tout bouleversé, les expressions, les idiomes, les formules, les slogans, les mots.
S'attaquer aux dirigeants nazis et aux chefs militaires est une chose. Mais le défi est tout autre quand l'accusation est confrontée aux propagandistes. Attiser la haine raciale entraîne-t-il la mise en œuvre d'une politique d'agression ou de meurtre de masse ? Le tribunal tranche positivement dans le cas de l'éditeur antisémite Julius Streicher, qui est condamné à mort pour crime contre l'humanité pour ses articles dans le journal Der Stürmer, de 1923 à 1945. Les mots et les images ont-ils un lien direct avec les actions ? Le tribunal répond négativement dans le cas de la réalisatrice Leni Riefenstahl (Le Triomphe de la volonté en 1935).
En conclusion cette exposition est très intéressante. Elle présente la puissance de la propagande nazie, son art de la tromperie. Bénéficiant d'une impressionante iconographie et d'explications très claires, elle nous informe utilement. Les thèmes abordés résonnent dans l'actualité. Nous sommes invités à rester vigilant face aux propagandes actuelles, aux fausses informations, à la promotion de l'extrémisme violent, aux discours haineux et aux actions visant à réduire la confiance du public dans les processus démocratiques.
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