De passage à la Chapelle expiatoire - Paris

Samedi. Ma compagne me demande si j'ai envie de visiter un lieu en particulier en nous baladant dans les rues de Paris. Je réponds : "Oui ! La Chapelle expiatoire". Nous n'avons jamais seulement vu ce bâtiment de loin. Il est dans une rue qui ne fait pas partie de nos promenades habituelles. Qui plus est je n'en ai eu connaissance que par le dépliant que la guichetière nous avait remis lors de notre visite de la basilique Saint Denis (ici). La chapelle est dédiée à la mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Notre curiosité est piquée. C'est parti. 


 
Nous voici rendus dans le 8e arrondissement, rue Pasquier, près de la Gare Saint-Lazare. La rue d'Anjou est juste derrière. Dans ce square verdoyant la chapelle expiatoire est construite à l’emplacement de l’ancien cimetière de la Madeleine où avaient été inhumés les corps de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Nous lisons sur place que le charnier a contenu les corps guillotinés du couple royal ainsi que des gardes suisses tués lors de la prise du palais des Tuileries en 1792. Mais il n'est pas fait mention des 132 dépouilles, déposées ici, des personnes mortes écrasées pendant les festivités du mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette en 1770, lors d'un mouvement de panique de la foule suite à un incendie déclenché par un feu d'artifice. Des centaines de guillotinés politiques ont également été enterrés dans le cimetière de la Madeleine sous la Révolution. 

 


Mais qui a voulu construire cette chapelle ? C'est Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI et roi de France sous la Restauration, qui a mené ce projet à ses frais entre 1815 et 1826.
Depuis le parc public, nous avançons vers la chapelle. Bien malin qui comprend sa fonction en regardant son architecture.
Une fois entrée dans le vestibule, nous apercevons les monogrammes gravés de Louis XVI et Marie-Antoinette, avec force guirlandes et couronnes.

Nous gravissons quelques marches vers l'esplanade surélevée de deux mètres de ce qui est une enceinte fermée. La cour d'honneur est bordée de cénotaphes (des faux tombeaux) dédiés aux gardes suisses tués en 1792 lors de l'arrestation du roi. La terre du charnier, tamisée de ses os humains, est déposée dans cette cour qui mène à la chapelle proprement dite.
Il faut encore parcourir une série de marches pour atteindre la chapelle.

 


Dans l'édifice nous voyons deux statues représentant Louis XVI et de Marie-Antoinette. Sur le socle nous voyons le texte du testament de chacun des deux souverains. En fait c'est une partie choisie de chacun des deux testaments qui est gravée. Le testament de Louis XVI est adressé au peuple, il cite Dieu tous les deux mots et y confie le poids de la charge royale. Louis XVI ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante au procès qui lui est fait. En guise de testament, Marie-Antoinette adresse sa dernière lettre à Madame Elisabeth, la soeur de Louis XVI. Une lettre d'adieu où elle pense fort au sort de ses propres enfants.

 
En levant les yeux au-dessus de l’entrée, nous observons un bas-relief représentant le transport des dépouilles présumées du couple royal vers la basilique Saint-Denis en 1815. L'oeuvre est classique, avec force toges, pleureuses et cheveux bouclés. 

 


Des marches permettent de descendre dans la crypte. Nous voyons l'intérêt d'avoir gravi trois séries de marche depuis l'entrée principale. Au lieu d'être en sous-sol, la crypte se situe au niveau du sol et une lumière naturelle l’éclaire. Un autel en marbre noir marque le lieu où le corps du roi fut exhumé, même si nous doutons fort que ce soit l'endroit exact.

 


La crypte renferme une sacristie avec un petit confessionnal situé dans un placard. Des messes se tenaient en ces lieux jusqu’à ce que Jules Ferry les interdise. Une messe reste célébrée chaque année à la date anniversaire de la mort de Louis XVI. C'est une manifestation traditionnelle du légitimisme à laquelle participe le prétendant au trône. Le prétendant actuel est le prince Louis Alphonse de Bourbon, arrière petit fils du dictateur espagnol Franco. « Louis XX », comme l'appellent ses partisans français, a déclaré : « Quand on attaque Franco, on attaque les miens, plus de la moitié de l'Espagne, la monarchie et l'Église qu'il protégea ». De quoi frémir à l'idée de ce que serait une Europe dirigée par des nostalgiques de cet acabit.

Toujours depuis la crypte, un couloir transversal mène à une galerie nord ouverte sur le square extérieur par neuf travées d'arcades. Une reproduction d'une affiche du Comité de Salut public de 1871 rappelle que la Commune exigea que la chapelle fût démolie. De fait, de 1826 à 1910, une vingtaine de projets demandaient la démolition du lieu. La Chapelle fût mise hors de danger par un classement au titre des monuments historiques, classement qui eu lieu juste avant le début de la Première Guerre Mondiale.


Des panneaux décrivent ensuite l'histoire du lieu et du quartier. C'est très intéressant. Nous voyons que le lieu était situé en pleine campagne, dans une zone de marais. Les chanoines assèchent les marais. Paris s'étend. Les descriptions du début du XVIIIe siècle sont suffocantes, entre cimetières aux charniers à ciel ouvert et égout en plein air dégageant des odeurs nauséabondes.

En sortant, nous faisons le tour de la chapelle expiatoire puis nous nous posons dans le parc public. Rappelons-nous en voyant ce parc verdoyant que la crue de la Seine de 1910 a atteint le quartier et inondé ce lieu, pourtant éloigné du lit du fleuve. L'explication de cette inondation est que les eaux ont remonté en sous-sol le long de l'ancien égout à ciel ouvert des eaux sales. Nous partons du lieu en remontant la rue d'Anjou, la tête en promenade entre les bâtiments actuels et la campagne du passé.


 

La Chapelle expiatoire et le Square Louis XVI inondés. Photo Harry-C.-Ellis

De passage à la Chapelle expiatoire - Paris De passage à la Chapelle expiatoire - Paris Reviewed by Concerts expos by Pat on septembre 11, 2020 Rating: 5

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