[Album] Angellore - Rien Ne Devait Mourir



En ce soir d'octobre 2018, nous sommes une poignée d'invités à découvrir en avant-première l'album « Rien Ne Devait Mourir » d'Angellore. L'écoute a lieu au sous-sol du magazine Rock Hard. Deux membres du groupe Angellore sont présents, Walran, hôte volubile de la soirée, et Celin. Nous avons droit à une écoute de l'album, une seule. Nous donnons nos impressions à chaud. Nous faisons voeu de silence jusqu'à la sortie de l'album.

Plus d'une année est passée. L'album sort en février 2020 chez Finisterian Dead End (pour la version CD) et chez The Vinyl Division (pour un double 33 tours). J'achète le 33 tours qui comprend deux titres supplémentaires. Le vinyle est accompagné d'un superbe livret de quarante pages avec des photos inédites et une biographie d'Angellore. Le visuel du livret, tout comme la pochette de l'album, est l'oeuvre de Celin, bassiste du groupe. Le texte est écrit par Mike Liassides (doom-metal.com). Sa lecture m'a passionné. Mike décrit une tranche de vie du groupe Angellore, avec ses hauts et ses bas, avec des moments hilarants (surtout après coup). Le texte est également un vibrant hommage à la passion qui anime la scène underground. Je vous recommande vivement la lecture de cette belle histoire.

Le titre de l'album, « Rien Ne Devait Mourir », renvoie à la mort. Est-ce le deuil d'une personne, celui d'un amour, celui d'une époque ? Tout est mort alors que rien n'aurait dû mourir ? Rien n'est mort car rien ne meurt jamais ? Le titre n'éclaire rien. Il possède tant de sens possibles qu'il nous laisse dans l'obscurité. L'énigmatique photographie qui orne la pochette de l'album renforce encore l'ambiguïté de la phrase.

J'aime la musique d'Angellore depuis leurs débuts, ce n'est pas un hasard si j'étais à la séance d'écoute. C'est forcément un biais possible à ma critique. Du coup j'ai écouté l'album durant de longues semaines depuis le mois de mars pour voir si il résistait à ma première impression avant d'attaquer la présente critique.

Place à la musique. Le morceau « A Romance Of Thorns » commence par une chorale solennelle, suivie par une introduction au piano et au hautbois (joué par Gunnar Ben de Skálmöld). La rythmique et le riff qui suivent sont typiques des grandes heures du doom death atmosphérique, comme un clin d'oeil aux aînés. La montée aux claviers et la voix féminine démontrent qu'Angellore a acquis une personnalité propre. Un sentiment de grandeur accompagne l'envolée de la guitare. La rythmique conserve la lourdeur caractéristique du genre mais avec une mobilité qui laisse la musique du groupe s'élancer très haut. Mieux, les musiciens injectent de remarquables accélérations black metal. Le morceau raconte une véritable histoire musicale que l'on suit avec attention tant elle est riche en rebondissements. Le chant est varié, entre murmure cajoleur, chant féminin éthéré, chant masculin guttural, chant black écorché, sans oublier un étonnant chant scrofuleux. Angellore ose même l'ajout de violoncelle, de flûte et de harpe. Démarrer l'album avec un titre de vingt minutes était un pari risqué. Le pari est réussi, haut la main.

Après un tel galop en introduction, le morceau folk « Dreams (Along The Trail) » permet de reprendre son souffle. L'amour du groupe Empyrium est palpable avec la mélodie jouée à la flûte. La rythmique qui caracole me rappelle le groupe autrichien Summoning. De belles références.



Avec le morceau « Drowned Divine », Angellore mélange trois voix, pour évoquer trois personnages. Un vagabond, une jeune fille et l'esprit maléfique d'un marais. Nous retrouvons avec plaisir le violon de Cathy qui nous régale de ses lignes. La frappe de la batterie est à la fois lourde et élastique. Elle m'évoque les gaz du marais qui engourdissent les sens. La guitare basse claque, se fait grondante. Elle éveille une menace qui rampe. Dans cet état de torpeur, accentué par un lancinant piano, l'esprit du marais guette l'âme malheureuse pour l'entraîner dans les eaux. Il vaudrait mieux quitter l'endroit au plus vite. Trop tard. Tout en sourde puissance, le morceau dévoile un aspect sombre de la musique d'Angellore. La délicatesse des harmonies s'imprègne ici d'une approche vénéneuse. L'élégance se conjugue d'inquiétude. Ces émotions fortes font que les quatorze minutes du morceau passent comme un charme. L'orgue qui résonne au final nous résume par sa solennité la palette de sentiments que le groupe vient d'explorer, joie et tristesse, éloge et lamentation.

Après ce titre complexe, Angellore enchaîne avec un morceau très direct, « Blood For Lavinia », qui convoque le rock gothique. Un bon moment pour taper du pied et rassembler ses idées avant de poursuivre l'écoute de cet album riche en émotions. J'en profite pour souligner que le groupe Angellore joue avec une grande homogénéité. Chacun est au service de l'ensemble. Tous les instruments et les chants sont mis à l'honneur. Le duo formé à l'origine par Walran et Rosarius et le trio formé ensuite avec Ronnie se sont transformés en quintette avec l'arrivée de Lucia au chant et de Celin à la basse. Il est remarquable d'observer comment les nouveaux membres ont été intégrés à la vision d'origine et ont su accroître encore le niveau de magie de la musique d'Angellore.

« Sur les Sentiers De Lune » est un instrumental, avec une flûte jouée par l'invitée Céline. Les sonorités du morceau évoquent à mes oreilles certains groupes des années soixante dix, comme Barclay James Harvest en Angleterre ou Taï Phong en France. Des résonances que j'avais déjà ressenties à l'écoute des précédents albums. Comme quoi un certain son se transmet à travers les âges, sans que les musiciens d'Angellore ne connaissent les formations citées. La montée martiale en fin de titre est digne de Vangelis, influence revendiquée par Walran.

« Que les Lueurs Se Dispersent » clôt l'album. Il s'agit d'un morceau de onze minutes. La rythmique au début rappelle The Cure dans les années quatre-vingt, une inspiration pour Rosarius. Le titre s'arrête net avant de redémarrer aussitôt avec des claviers. Le chant est en français. Une douce tristesse nous transporte. L'ambiance devient céleste. C'est une invitation au voyage.

En premier bonus sur le vinyle, « Rassembler Les Cendres » est un titre folk mélancolique avec des lignes de flûte de Céline. En second bonus, « Twilight's Embrace » est un titre issu de l'album « La Litanie des Cendres », cette fois chanté par Thomas Helm d'Empyrium en invité. Deux bonus qui méritent d'avoir été sortis.

Angellore nous offre avec « Rien Ne Devait Mourir » un troisième album somptueux. Malgré la distance géographique qui sépare les membres du groupe, nous sentons que les enregistrements, toujours réalisés en commun, se font dans l'alliance des coeurs et des esprits. Les harmonies sont élégantes et raffinées, avec un soupçon de noirceur par rapport aux albums précédents. Un peu moins de joliesse, un peu plus de chair. Les morceaux sont complexes et accrocheurs, avec beaucoup de contraste. Une belle réussite.

[Album] Angellore - Rien Ne Devait Mourir [Album] Angellore - Rien Ne Devait Mourir Reviewed by Concerts expos by Pat on avril 27, 2020 Rating: 5

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