Graeme Allwright - Viendras tu avec moi ?

SOMBRES MERVEILLES
Je continue à explorer les chansons du grenier. Celles qui méritent d'être dépoussiérées et proposées à une nouvelle génération. En tout cas celles qui me tiennent toujours à coeur.
Aujourd'hui voici "Viendras tu avec moi ?" de Graeme Allwright. J'écoutais ça à dix ans et mon esprit passait de l'autre côté du miroir. Personne ne m'avait alors musicalement fait passer du côté obscur. Certainement pas l'abbé Brel que je vénérais pourtant alors. Peut être un peu Serge Reggiani mais sa musique touche plus à la nostalgie qu'à la mélancolie. Et que comprend-t-on de la nostalgie à dix ans ? Alors que la mélancolie n'a pas d'âge. Graeme Allwright en une chanson m'a fait basculer dans un monde vénéneux et morbide, viscéralement envoûtant. Une sublime chanson avec une guitare limpide et des paroles hypnotiques.

"Je peux vous offrir un feu d'artifice
De mille soleils éclatés
Et le tremblement de douce angoisse
Je peux vous apprendre à voler"

Je suis médusé par l'évocation de ces mille soleils éclatés, par la promesse de ce tremblement de douce angoisse. Je décolle immédiatement. Voler est d'ailleurs un rêve que je fais régulièrement, tous les deux ou trois ans, depuis la petite enfance.

"Viendras-tu avec moi ma belle
viendras-tu avec moi "

Oui, bien évidemment, je viendrai.

"Je peux vous emmener par les racines
Vous faire monter par la sève des arbres
Je peux vous apprendre la caresse
du sang qui coule sur le sabre"

Je suis enchanté par l'idée de monter dans la sève d'un arbre à partir de ses racines. Quelle merveilleuse aventure.

Quand à apprendre la caresse du sang qui coule sur le sabre, c'est une promesse enivrante pour un enfant de dix ans.

"Je peux vous offrir un cimetière
Où les tombes s'ouvrent sur les corps
Vous faire découvrir des désirs obscurs
Je peux vous offrir la mort"

Ces tombes ouvertes sur les corps me subjuguent. Découvrir des désirs obscurs m'émerveille. Et la perspective de la mort me laisse interloqué.

Je remercie Graeme Allwright pour ces paroles magnétiques. Elles ont imprégné avec une rare puissance mon imaginaire de jeune garçon de dix ans. Ce romantisme noir me fascine encore aujourd'hui.

Bien des années plus tard, il m'est venu à l'esprit que cette chanson, écrite en 1968, mettait en garde contre les mirages de la drogue. Je pense notamment à l'héroïne. Peut-être est-ce le sujet de cette chanson. Quoi qu'il en soit les paroles gardent à mes yeux leur éblouissement initial. Il est intéressant à ce sujet de lire ce qu'écrit Graeme Allwright à propos de l'interprétation des ses chansons: "A mon sens, dans la chanson, comme dans toute forme d'expression artistique, l'important c'est ce que l'autre entend. Parfois, en écoutant ces chansons enregistrées, je deviens l'autre et non sans douleur, je ne cesse de comprendre et d'entendre d'autres choses que ce que je croyais y mettre au départ."



Graeme Allwright - Viendras tu avec moi ? Graeme Allwright - Viendras tu avec moi ? Reviewed by Concerts expos by Pat on mai 11, 2016 Rating: 5

2 commentaires

Catherine Delacour a dit…

Bonjour Je me "réimmerge" en ce moment dans l'oeuvre de Graeme Allwright, vraimentméconnue, trop souvent réduite à ses talents d'adaptateur.
Cette chanson sombre et mystérieuse fait vraiment voyager en effet. "La plage" est également magnifique, de façon plus lumineuse.
Merci de ce témoignage !

Bonsaï a dit…

Bonjour,
Je suis comme vous assez subjugué et enivré par cette chanson magnifiquement interprété, à la fois voix et guitare... et plus généralement par toute chanson à la mélancolie manifeste je dois l'avouer ! Mais celle-ci en est un parfait exemple, peut-être une des plus belles.

Néanmoins, je fais une interprétation moins naïve et positive du texte que vous. On a affaire ici à un envoûtement, un pouvoir, rien de souhaitable en tout cas : drogue sans doute, ou autre forme d'emprise ? Je pense à chef de guerre (le 1er couplet peut évoquer les bombes, le champ de batailles, le second la blessure à l'arme blanche), gourou manipulateur, ou la Mort elle-même, la Biologie avec un grand B qui nous ramènera de toute façon derechef dans la sève des arbres ! Et même si on se fait incinérer : les arbres captent le CO2 ;)

Rêverie morbide en tout cas, fascinante et expiatoire, indispensable pour explorer et conjurer l'obscurité de notre conscience. Mais au final aucune envie de m'y jeter les bras ouverts, personnellement. Je vois ce texte comme une mise en garde absolue.

Bien d'accord avec vous en tout cas que que G.Alwright mérite un tout autre statut, quel chanteur !