Tate Modern - Exposition permanente - Londres - Compte-rendu de visite

MOTS DE TATE
De passage à Londres, nous nous sommes rendus au Tate Modern. Compte-rendu de visite.

Le musée du Tate Modern, ouvert en 2000, présente la collection d’art moderne et d’art contemporain provenant à l’origine de la Tate Gallery. Nous décidons de nous rendre sur place en partant de la Cathédrale Saint-Paul et en traversant la Tamise au-dessus du Millenium Bridge. Une belle ballade qui nous permet de profiter de superbes vues. Depuis le pont, nous nous rapprochons de la gigantesque architecture du Tate Modern.


Le bâtiment est établi dans l’ancienne centrale électrique de Bankside qui a été entièrement réaménagée. Vue de l’extérieur le musée conserve l’aspect initial du bâtiment, avec sa façade de briques rouges et sa cheminée de quatre-vingt-dix mètres. Une fois à l’intérieur, on comprend que la centrale a été vidée de ses chaudières, de ses brûleurs et de sa turbine pour créer le musée. Le petit schéma ci-dessous vous montre le fonctionnement d’une centrale.



Du carburant (c’était du pétrole dans le cas de la centrale de Bankside) est consumé dans un brûleur ce qui chauffe l’eau situé dans la chaudière au-dessus. L’eau se transforme en vapeur. La vapeur est admise dans une turbine où sa détente provoque la rotation de roues. L’alternateur accouplé transforme l’énergie mécanique de la rotation en énergie électrique. A la sortie de la turbine la vapeur chaude est condensée grâce à l’eau froide de la Tamise. Maintenant il faut imaginer ces éléments à une taille gigantesque. Là où était la turbine se trouve dorénavant un immense hall qui peut servir à exposer des œuvres monumentales. Là où étaient les brûleurs et les chaudières se trouvent sept niveaux d’exposition. Deux de ces étages (le deuxième et le quatrième) sont dédiés à la création artistique des XXe et XXIe siècles, au travers d’une exposition permanente à l’accès gratuit. Le troisième étage sert à des expositions temporaires qui sont payantes. Quant à l’emplacement où étaient les cuves qui contenaient le pétrole, il accueille une extension au musée, sous la forme d’une nouvelle tour de dix étages qui ouvrira le 17 juin 2016. Le schéma ci-dessous vous résume ces éléments


Je me décide pour une visite de l’exposition permanente. La collection est organisée sur deux étages autour de quatre séries de parcours thématiques (lors de mon passage ce sont « Material Worlds », « Media Networks », « Citizen and States » et « Making Traces »). Les œuvres ne sont pas présentés de manière chronologique. Je suppose que le musée cherche à masquer ainsi des lacunes dans ses acquisitions. Il est clair que si l’art contemporain (de 1945 à nos jours) est bien représenté, l’art moderne (de 1870 à 1945) manque de visibilité par rapport à son importance. C’est évident si on compare le fond d’art moderne exposé par le Tate à celui exposé par le Centre Pompidou à Paris. L’absence de repère chronologique induit que, en parcourant les salles, le visiteur fait un grand écart permanent, pas très confortable, entre des œuvres du début du XXe siècle et des œuvres récentes. Les œuvres contemporaines exposées sont de qualités inégales. Je veux dire que j’apprécie qu’une œuvre me parle directement. La surprise, l’émotion, l’émerveillement, la stupeur voire le rejet doivent pour moi précéder l’explication. Je suis conscient que l’art contemporain exige souvent un investissement personnel important pour comprendre la démarche de l’artiste mais là je suis resté plus d’une fois de marbre devant les œuvres exposées.

Parmi les belles surprises de la visite, j’ai adoré le superbe costume fabriqué par la sculptrice Lee Bul.

Lee Bul - Untitled (Cravings White) 1988

L’installation “ Babel ” (2001) de Cildo Meireles est impressionnante avec sa tour construire avec un amoncellement de transistors, tous allumés sur un programme radio différent, tous réglés au minimum sonore de telle manière que le tout forme un brouhaha sonore dans lequel on peut distinguer toutes sortes de langues. Dans la Bible, les hommes parlent tous la même langue et parviennent ainsi à construire une tour si haute qu’elle fâcher Dieu qui leur impose alors des langues différentes, provoquant l’incompréhension entre les hommes, la discorde et la chute de la tour. La tour de Cildo Meireles, elle, tient debout malgré la diversité des langues.

Babel, Cildo Meireles - 2001


Parmi les belles œuvres, j’apprécie de voir un des tableaux réalisé par Niki de Saint Phalle à ses débuts. L’artiste a placé des poches de peinture dans une composition recouverte de peinture blanche puis a crevé les poches à la carabine.
Shooting Picture - 1961

Autre grand classique, la Fontaine de Marcel Duchamp, une œuvre de 1917 consistant en un urinoir en porcelaine. L’œuvre fût refusé et détruite. Il n'en existe que des répliques réalisées dans les années cinquante et soixante. Cette œuvre est certainement la plus controversée de l’art du XXe siècle. Cent ans plus tard, l’idée de Marcel Duchamp de transformer un objet d’usage en objet d’art garde tout son impact. Il suffit d’observer les visages des visiteurs pour voir la force du geste esthétique de Marcel Duchamp. 


Le musée est vaste et on a tout loisir d’apprécier les œuvres. Ainsi une salle entière est consacrée aux « Cage paintings » de Gerhard Richter, une autre à des œuvres de Mark Rothko.

« Cage paintings » Gerhard Richter


Parmi les artistes les plus renommés, on peut admirer au hasard des salles une toile de Pablo Picasso, de Salvador Dalí, de Wifredo Lam, de Piet Mondrian, de Roy Lichtenstein ou de Sonia Delaunay

L'exposition permanente fait la part belle à de nombreux photographes. Les travaux de trois photographes m’ont plus particulièrement intéressés. Chacun des trois bénéficie d’une salle entière.
Les photomontages de John Heartfield sont remarquables. A partir de 1930 il se consacre à la création d'affiches dénonçant la montée du nazisme. Il illustrera la couverture du magazine ouvrier « Arbeiter Illustrierte Zeitung » avec 237 photomontages avant de devoir fuir à l’étranger en 1933 quand Adolf Hitler accède à la Chancellerie.
 
John Heartfield

Autre très belle salle, celle consacrée aux photographies abstraites de Guy Bourdin.

Guy Bourdin, Untitled - 1950s

Troisième photographe parmi mes coups de coeur, Brett Weston utilise de forts contrastes à l’impression pour transformer gros plans ou paysages en magnifiques figures quasi abstraites.

Glacial Silt, Alaska – 1973


Après avoir parcouru les salles d’exposition, il est temps de s’offrir une pause au café-restaurant au sixième étage. Confortablement installé, nous buvons un thé à la menthe en profitant pleinement de la vue admirable qui s’offre à nous. A nos pieds la promenade piétonne permet de profiter du beau soleil de ce premier du mois de mai. La City est face à nous, de l’autre côté de la Tamise qui est à marée basse (la mer est à quatre-vingt-dix kilomètres et ses marées se font sentir à Londres). La Cathédrale Saint-Paul trône au-delà du Millenium Bridge. Toute la ville semble en travaux. Dans mon champ de vision je compte quarante-huit grues. La ville s’apprête à élire Sadiq Khan, premier maire musulman d’une grande capitale européenne et occidentale.


Tate Modern - Exposition permanente - Londres - Compte-rendu de visite Tate Modern - Exposition permanente - Londres - Compte-rendu de visite Reviewed by Concerts expos by Pat on mai 07, 2016 Rating: 5

Aucun commentaire