[Concert] Agnès Jaoui - Dans mon salon - Canto Allegre - Carabanchel - Théâtre Jacques Carat - Cachan - 16/03/2024
Agnès Jaoui réunit chanteurs et musiciens pour un concert comme à la maison. Chaleureux et réconfortant.
Sur la scène du théâtre Jacques Carat à Cachan, Agnès Jaoui invite quatre chanteurs du Canto Allegre et huit musiciens de l'ensemble Carabanchel, soit treize artistes pour un concert chatoyant et festif.
Vous connaissez Agnès Jaoui comme actrice et réalisatrice, peut-être moins comme chanteuse lyrique dans l’ensemble classique Canto Allegre. Elle chante également sur des musiques latines avec Fernando Fiszbein, musicien et compositeur argentin, et son orchestre Carabanchel. Ce soir Agnès Jaoui réunit tous ces amis dans son salon. L'idée est de proposer un moment convivial avec une scène décorée de canapés et tapis, avec des verres de vin posés sur les guéridons. La caviste de Cachan, « Elle a du vin », propose vins et nourriture dans le vaste hall d'accueil du théâtre. C'est ambiance détendue comme à la maison. Il ne manque plus qu'un chat qui pionce dans un fauteuil. Petite déception pour notre part, les photos sont interdites. Vous allez devoir vous contenter de photos de la scène vide, sans les artistes.
Agnès Jaoui nous explique que la soirée va commencer par une cantate de Bach connue sous le nom « Actus Tragicus ». La première partie du cantate expose l'alliance de l'ancien testament. L'Homme doit mourir, quand Dieu le décide et s'y préparer en mettant de l'ordre dans sa vie. Puis Jésus arrive. Sa mort ouvre la voie à la résurrection de l'Homme. Les quatre voix solistes, soprano, alto, ténor et basse se répondent pour narrer cette quête spirituelle. La musique est d'une grande profondeur dramatique et en même temps emplie de joie. Roméo Fidenza, baryton basse qui interprète Jésus, pose une main bienveillante sur l'épaule du ténor Loïc le Guillou, qui joue le rôle de la personne à réconforter.
Après cette puissante entrée en matière, place à « Open Baires » de Fernando Fiszbein, un tango avec un flow rap. L'occasion d'apprécier les capacités musicales des musiciens de la Compañía Carabanchel. La rythmique est complexe. Les musiciens s'écoutent, se regardent et se congratulent d'un regard ou d'un sourire.
Nous plongeons ensuite plus de trois siècles dans le passé. Agnès Jaoui et la mezzo-soprano Alice Fagard chantent « Sound the trumpet » de Henry Purcell, composé pour l’anniversaire de la reine Mary. Le duo est espiègle et enjoué.
Nous passons à des sonorités actuelles avec un « Mambo Personal » composé par Fernando Fiszbein. C'est effectivement très personnel, le compositeur livrant un titre au rythme précis, très exigeant pour les musiciens, tout en cherchant à faire danser le public. Le public, sagement assis, ne se lève pas mais les chanteurs animent la scène de leurs chorégraphies personnelles, entre charleston et déhanchés. Chacun a son propre style ce qui renforce l'impression d'une soirée décontractée.
Le « Duo d'Esther » est un oratorio de Georg Friedrich Haendel basé sur un épisode biblique. Agnès Jaoui nous explique que l'oratorio relate la tentative ratée d’extermination du peuple Juif par le ministre du roi perse Ahasuerus. Esther, l’épouse du roi, intervient et parvient à sauver son peuple. Agnès Jaoui chante en duo avec le ténor Loik Le Guillou. Elle se jette au sol pour simuler l'évanouissement d'Esther lorsqu'elle se présente devant le roi Ahasuerus après plusieurs jours de grève de la faim. Les musiciens mettent tout leur coeur à rendre compréhensible le contenu et la forme de l'oratorio. Cette sincérité permet d'engager tout le public.
Esther. Qui m’appelle à l’orée de la mort ?
Ahasuerus. Réveille-toi, mon âme, ma vie, mon cœur !
Esther. Exauce ma demande ou laisse-moi mourir.
Ahasuerus. Demande, ma reine, que puis-je te refuser ?
Suivent des chansons sud américaines avec « El Diablo suelto » d'Heraclio Fernández et le boléro « Historia de un amor » du panaméen Carlos Eleta Almarán, avec la belle voix de Fernando Fiszbein. Des musiques d'ailleurs pour se sentir être ailleurs. Agnès Jaoui, en hôte attentive, a la bienveillance de nous présenter chaque titre en nous précisant son auteur, sa date, son contexte et le contenu des paroles. Elle est parfois aidé par Fernando Fiszbein, très à l'aise pour narrer l'origine des chansons sud américaines. Ces chansons nous parlent de l'amour du pays, de l'amour des gens, du massacre des peuples, de la tristesse infinie et du sauvetage par l'amour.
Fernando Fiszbein nous invite à découvrir l'oeuvre d'Hermeto Pascoal et se lance dans un enchaînement endiablé avec « Hirmanos, Santo Antônio et Bebê ». Simon Drappier à la contrebasse et Javier Estrella aux percussions assurent la cadence. Sur scène les chanteurs dansent follement.
Nouvelles escapades en Amérique du Sud avec les chansons « Memoria Colectiva » de Lalo Zanelli et une interprétation très réussie du « Samba em Prelúdio » de Baden Powell et Vinicius de Morae.
Les musiciens jouent ensuite une nouvelle invitation à danser avec « Distropical/Farandole ». Agnès Jaoui en profite pour présenter les musiciens, chaudement applaudis. Nous avons déjà nommé tous les chanteurs et musiciens dans cette critique. Sauf deux que nous gardions pour la fin tant nous avons été séduits par la violoncelliste Clotilde Lacroix et le clarinettiste Jean-Brice Godet. Dès que ces deux là ont une ouverture ils livrent de superbes lignes musicales et des joutes de toute beauté.
Les treize artistes quittent la scène et reviennent vite. Agnès Jaoui nous dit en se marrant que ce rituel invite les spectateurs à réclamer le retour des artistes comme si ils n'alllaient pas revenir. Mais qu'en fait c'est surtout eux qui ont peur que le public soit parti si ils ne reviennent pas très vite.
Agnès Jaoui nous présente la chanson suivante comme étant un classique du répertoire populaire de Claudio Francesco. Nous reconnaissons bien vite « Viens à la maison » de Claude François. Nous prêtons attention aux paroles grâce à cette généreuse interprétation avec sa belle harmonisation à quatre voix.
« Todo cambia » est une chanson composée par l'auteur chilien Julio Numhauser en 1982 durant son exil. Le morceau a été popularisé par Mercedes Sosa. Nous sommes invités à chanter. Ce que nous faisons avec énergie.
Le superficiel change,
le profond aussi change,
la façon de penser change,
tout dans ce monde change, (...)
Mais mon amour ne change pas,
peu importe à quelle distance je suis,
ni la mémoire ni la douleur
de mon peuple et des personnes
Les « Couplets du toréador » de Carmen par Georges Bizet vont donner au public une nouvelle occasion de participer. Quand l'espiègle baryton Roméo arrive au refrain c'est le public qui chante pour lui « Toréador, en garde ». Voici une interprétation très joyeuse et entraînante avec les chanteurs qui s'amusent dans leur rôle jusqu'au final « L'amour ! L'amour ! L'amour ! Toréador, l'amour t'attend ». Ovation méritée. Tous les chanteurs et musiciens viennent saluer le public à plusieurs reprises.
En résumé, nous avons passé une belle soirée dans une proximité chaleureuse avec des propositions musicales éclectiques. Une heure et demie très sympathique avec de l’humour décontracté et des émotions.
Allons ! En garde ! Allons ! Allons ! Ah ! L'amour ! L'amour ! L'amour !
* Setlist :
- Actus Tragicus - Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit - Cantate BWV 106 (Jean-Sébastien Bach - 1708)
- Open Baires (Fernando Fiszbein)
- Sound the Trumpet (Henry Purcell - 1694)
- Mambo Personal (Fernando Fiszbein - 2017)
- Duo d'Esther (Georg Friedrich Haendel - 1732)
- Dans mon Pays (Agnès Jaoui y El Quintet Oficial - 2009)
- El Diablo suelto (Heraclio Fernández - 1888)
- Historia de un amor (Carlos Eleta Almarán - 1955)
- Hirmanos/Santo Antônio/Bebê (Hermeto Pascoal 1992/1979/1973)
- Agnus Dei de la Petite Messe solenelle (Gioachino Rossini - 1863-67)
- Memoria Colectiva (Lalo Zanelli - 2010)
- Samba em Prelúdio (Baden Powell & Vinicius de Morae - 1962)
- Distropical/Farandole (Fernando Fiszbein - 2022/2018)
- Viens à la maison (Claudio Francesco aka Claude François - 1971)
- Todo Cambia (Julio Numhauser, 1982)
- Couplets du toréador - Carmen (Georges Bizet, 1875)
Canto allegre :
Alice Fagard Mezzo soprano - Julia Selge mezzo soprano - Loïc Le Guillou ténor - Roméo Fidenza baryton basse
Carabanchel, direction Fernando Fiszbein :
Fernando Fiszbein Guitare, Bandonéon - Emilie Aridon-Kociolek, Piano - Laurent Camatte Alto - Clotilde Lacroix Violoncelle - Claire Luquiens, Flûte traversière - Jean-Brice Godet Clarinette, Clarinette basse - Simon Drappier, Contrebasse - Javier Estrella, Percussions
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