[Expo] Joann Sfar : La Vie Dessinée - musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) - Paris - Du 12/10/2023 au 12/05/2024

DES ÉTOILES DANS LES YEUX
Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme consacre une exposition sur l'œuvre de Joann Sfar. De toute beauté.

Pour la toute première fois, Joann Sfar, auteur, dessinateur et cinéaste, est l'objet d'une exposition retraçant son oeuvre. Près de 250 planches et dessins, des carnets, des photographies, pour la plupart jamais montrés. C'est au musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris. Nous fonçons. Suivez-nous.

Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme est situé dans l'ancien hôtel de Saint-Aignan, palais aristocratique datant de 1650. Nous traversons la cour carrée et nous entrons dans le musée.

 

Nous tenons à préciser que nous n'avions rien lu de Joann Sfar avant de nous rendre à cette exposition. Après notre visite, nous avons rattrapé un peu de notre retard. C'est dire si nous avons été conquis par l'exposition. Si vous connaissez déjà l'oeuvre de l'auteur vous allez pouvoir vous régaler d'une majorité de dessins jamais publiés.

L'exposition permet de mettre le travail de Joann Sfar en contexte par rapport à sa vie. Dès la première salle nous sommes invités dans sa jeunesse, à Nice, avec son père, le souvenir de sa mère décédée très jeune, ses grands-parents maternels. Nous allons ainsi mieux identifier les références dans l'œuvre de l'auteur. Dans les nombreux ouvrages de Joann Sfar, c'est sa vie qu'il dessine, que ce soit sous les traits d'un homme préhistorique, d'un monstre ou d'un chat. Dans son récent « La Synagogue » il revient sur son adolescence à Nice dans les années quatre-vingt. Il confie ses réflexions sur la place du judaïsme dans la France actuelle et les dérives de l'antisémitisme. Succédant à La Synagogue, « Les Idolâtres » est centré sur l'absence de la mère et le rapport au dessin.

Planche originale pour Les Idolâtres, 2024

Joann Sfar avec sa mère, Villefranche, 1974

La salle suivante est dédiée aux monstres et aux êtres fantastiques. Joann Sfar adore le surnaturel, les vampires, le diable, les squelettes qui parlent. Car oui, ça discute chez Joann Sfar, ça cause, ça devise, beaucoup. Nous croisons des êtres sensibles à forme monstrueuse. Nous côtoyons des êtres artificiels à forme humaine. Nous reconnaissons la figure du Golem. Dans la tradition populaire juive, le Golem est un automate qui reçoit une forme humaine et est doté par la magie d'une vie momentanée par un texte fixé sur son front.

La scénographie est très agréable. Des reproductions géantes de dessins égayent le parcours avec malice.

Planche originale pour le tome 3 du Minuscule Mousquetaire,

On ne patine pas avec l'amour, 2006

 

Illustration originale pour la couverture du tome 2 de Professeur Bell,

Les Poupées de Jérusalem, 2000

Professeur Bell, Les Poupées de Jérusalem, 2000

Figurine représentant le Golem, S.d., terre cuite

Nous pouvons admirer des croquis agrémentés de textes avec les réflexions du moment de Joann Sfar. Une partie de ce journal de vie fait l'objet de publications régulières. Dans l'exposition nous voyons de nombreux carnets personnels inédits.

 

 

L'exposition évoque le passage aux Beaux-Arts de Paris, à l'atelier Nawak, à l'atelier des Vosges, à l'Association. C'est toute la génération du renouveau de la bande dessinée des années 1990. David B., Lewis Trondheim, Jean-Christophe Menu, Emile Bravo, Christophe Blain, Emmanuel Guibert, Fabrice Tarrin, Marjane Satrapi, Marc Boutavant, Riad Sattouf, Mathieu Sapin.

La salle suivante est dédiée aux drames. Dans « Klezmer », l'auteur prend à bras le corps la sauvagerie des pogroms dans l'Ukraine du début du XXe siècle. Dans « Chagall en Russie » nous sommes face à la haine irrationnelle à laquelle les juifs sont confrontés en Russie. Les deux oeuvres mélangent le drame absolu, l'irreprésentable, et la joie de vivre, intense.

Carnet pour le tome 3 de Klzemer, Tous des voleurs !, 2007

Extrait de planche originale pour le tome 2 de Chagall en Russie, 2009

Joann Sfar parle ensuite de son amour de la musique. Un amour tel qu'il a réalisé un film sur Serge Gainsbourg, « Gainsbourg (vie héroïque) ». L'exposition propose quelques uns des milliers de dessins accumulés lors de la réalisation du film.

 

L'enfance est à la fête avec la série « Petit vampire ». Un coin avec un écran et un sofa permet de lire des bandes dessinées et de regarder des extraits du film « Petit vampire » de 2020, pour le plus grand plaisir des petits... et des grands.

 

 

Planche originale pour le tome 1 de Petit Vampire, Petit Vampire va à l'école, 1999

En descendant l’escalier, au demi-niveau en mezzanine, nous pénétrons dans un espace réservé aux adultes avec des dessins extraits de l'oeuvre érotique « Pascin ».

Nous continuons au rez-de-chaussée. Nous y voyons la table à dessin de Joann Sfar, agrémentée de ses commentaires. Nous côtoyons ses influences, Jack Kirby, Fred.

 

La galerie suivante de l'exposition est consacrée au « Chat du rabbin ». Nous sommes à Alger dans les années mille-neuf-cent-vingt. Le chat du rabbin mange le perroquet. Le félin est alors doué de la parole. Il commence par mentir (« Je n'ai pas bouffé le perroquet »). Puis il disserte sur le sens des textes sacrés juifs et veut organiser sa propre bar mitsva.

 

 

Tout au long de notre parcours, nous sommes émerveillés par la beauté de l'agencement des salles et par l'humour farceur qui accompagne les illustrations.

Si vous appréciez l'œuvre de Joann Sfar, sachez que la librairie du musée est la seule à posséder l'intégralité des références de l'auteur, soit près de trois-cents ouvrages.

Nous quittons l'exposition avec des étoiles dans les yeux. Tout est splendide. Les dessins, les explications, la mise en scène, les décors.

La nuit est tombée sur la cour carrée du musée. Les dessins colorés de Joann Sfar nous accompagnent jusqu'à la sortie.