[Journal] Le Pangolin vous salue bien - Episode 19

 
Vue du parc d'Arcueil - Jean-Baptiste Oudry
 
Mardi 24 novembre.
Le chef de l'Etat fait le point sur la crise sanitaire. Les mesures de confinement sont un peu assouplies. Il faut dire que le présent confinement n'a rien à voir avec celui du printemps. Beaucoup de personnes circulent dans les rues et les commerces sont ouverts. Les concerts et les expositions qui nous sont chers sur ce blog sont à l'arrêt. L'objectif optimiste est une fin du confinement et du couvre feu en fin janvier. A ce stade on comprend que le virus circule avec force, qu'il est ultra contagieux et que nous ne sommes pas sortis de l'auberge.
 
Samedi 28 novembre. Matin.
Je décide d'aller me dégourdir les jambes. Nous avons dorénavant droit à trois heures de sortie au lieu d'une petite heure. Mes pas me guident vers la ville d'Arcueil, toute proche de chez moi. Je passe devant la Maison des Gardes. Ce bâtiment du XVIIe siècle est le dernier vestige de la seigneurie du prince de Lorraine, duc de Guise. Une fontaine, qui me semble reconstituée, nous rappelle le souvenir des jardins d'Arcueil. Jean-Baptiste Oudry, peintre de Louis XV, a croqué, à partir de 1746, la Bièvre qui coule dans la vallée, la nature domestiquée dans les jardins de la noblesse, les ruines de l'aqueduc romain. Avant que le domaine, le château et le parc soient détruits en 1752.
Au milieu des barres de logements collectifs, un escalier gravit la colline. Je l'emprunte. Des ruines sur le côté gauche m'interpellent. Les fondations préservées d'une maison, un mur, un bout de jardin, une colonne. Ce sont les vestiges d'un hôtel particulier, un de ceux qui avaient été bâtis à Arcueil entre les domaines de la noblesse et les domaines du clergé. Lorsqu'il venait à Arcueil, Jean-Baptiste Oudry demeurait dans cet hôtel. Je pénètre dans le jardin. Je m'imprègne du passé. Comme la maison est à flanc de colline, le jardin donne sur l'accès aux caves dont les portes sont aujourd'hui murées. La surface qui surplombe le jardin est en fait le rez-de-chaussée. Au fond du jardin, la colonne que nous voyons appartenait à la maison du gardien.
 
La buée sur mes lunettes m'empêche soudain de voir. Me voici de retour dans le présent. Nous portons tous une protection sanitaire. Je réajuste le masque en le pinçant plus fortement sur mon nez. Je mets de l'ordre dans mes pensées. Les hôtels restent fermés, les restaurants et bars sont fermés, les commerces sont ralentis, la culture est à l'arrêt. Tout ça va entraîner de la pauvreté. Le pays compte déjà plus de cinq millions de pauvres. La hausse du nombre de chômeurs en fin 2020 pourrait être de neuf cent mille nouveaux chômeurs. Certes les pensions de retraite ont été maintenues, le chômage partiel a protégé une partie de la population. Mais les précaires ne sont pas protégés par ces mesures. Une partie des actifs s'est retrouvée sans activité. Les jeunes ont perdu les revenus des petits boulots. En attendant la reprise de l'activité, qui va protéger les jeunes dans un marché du travail incertain ? Leur famille elle-même touchée par les pertes de revenus ? Qui va protéger les moins qualifiés ? Quelles politiques vont être mise en oeuvre ? Macron veut imprimer sa marque sur l'histoire du pays. Soit. Qu'a-t-il en vue ? La réforme des retraites ? Son gouvernement a eu le courage de la prendre en main. Sauf qu'ils s'y sont pris comme des manches et ont mis le feu aux poudres. Il est vain aujourd'hui de chercher à poursuivre des négociations qui étaient déjà difficiles avant même la crise sanitaire. Les bases de discussions sont calamiteuses, il faudra y revenir plus tard. La réforme de l'assurance chômage ? Cette réforme reposait sur l'hypothèse d'un emploi qui se redressait. Une forme de pari du chef de l'Etat. Rappelez-vous l'époque où il déclarait qu'il suffisait de traverser la rue pour trouver un emploi. Poursuivre l'idée de baisser les indemnités est aujourd'hui une absurdité. Quelle autre politique ? L'exhortation au travail ? La promesse d'une relance de l'économie grâce à la suppression des congés, des jours fériés et des vacances scolaires ? C'est une aberration alors que nous avons près d'un million de chômeurs supplémentaires. Et si le gouvernement arrêtait avec ces vieilles lunes et recherchait de nouvelles solutions. Comme la mise en place d'un revenu minimum unique en direction des jeunes et des familles les plus démunis. Voilà qui constituerait un marqueur de notre histoire sociale. Ne laisser personne sur le bord de la route.
[Journal] Le Pangolin vous salue bien - Episode 19 [Journal] Le Pangolin vous salue bien - Episode 19 Reviewed by Concerts expos by Pat on décembre 13, 2020 Rating: 5

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