[Journal] Le pangolin vous salue bien - Episode 17

Samedi 6 juin.

Je suis sur le pont de Choisy. Ce pont traverse la Seine à Choisy-le-Roi dans le Val de Marne. Ma compagne et moi nous défilons avec les salariés de l'usine de Renault qui viennent d'apprendre à la radio le projet de fermeture de leur site avec un transfert de l'activité sur le site de Flins dans les Yvelines. Le site de Choisy est pourtant rentable et a une expertise reconnue dans l’économie circulaire utile à la transition écologique. Le cortège de familles et d'élus remonte du centre-ville vers l'usine. Bienvenue dans le monde d'après la fin du confinement.
Où en étais-je dans la tenue de ce journal ? Dans l'épisode précédent j'en étais au 8 mai. Le 11 mai ce fût le jour de l'arrêt du confinement en France. Finies les autorisations de sortie. Les commerces ont repris (sauf les restaurants et bars). Les écoles ouvrent un peu. Dans les transports il faut un masque et des tranches horaires sont réservés aux travailleurs. Pas d'explosion de joie autour de chez moi ce 11 mai. Comme un corps qui se détend après être resté longtemps immobile, il faudra quelques jours pour trouver ses marques. Le week-end suivant ceux qui avaient pu partir se mettre au vert commencent à revenir en ville. Les volets fermés remontent dans le quartier. Je continue à bosser en télétravail exceptionnel. Nous revoyons une partie de notre famille. Le week-end du 16 nous allons rejoindre des amis sur Paris. Sortir enfin du kilomètre autour de chez soi. Parcourir les rues de Paris pour la première fois depuis deux mois. Les parcs sont encore fermés. Des parisiens sont assis le long des trottoirs, profitant de la liberté retrouvée de circuler. Des gestes barrières toujours. Le retour à la vie. Toutes ces personnes qui étaient cachées dans leur boîte réapparaissent. Avec elles le bruit, le bourdonnement de la ville. Une moto, un éclat de rire, des voix.
2 juin. Les bars rouvrent. Quelle ambiance soudaine. Les joies, les discussions, des familles, des enfants. Où était passé tout ce monde ?
Faire attention. Encore. Se protéger et protégez les autres. Les premières semaines sont prometteuses en terme sanitaire. Toujours trop de morts mais le flot diminue.
La hausse des demandeurs d'emploi est vertigineuse. Un million de plus qu’avant la crise sanitaire. L'activité partielle permet pour l'instant de limiter la casse pour certains. Les intérimaires et autres contrats courts sont les premières victimes de la crise. Les jeunes paient un lourd tribut. Il est urgent de réorienter les politiques de l’emploi. Non il ne suffit pas de mettre une veste et de traverser la rue pour trouver un emploi. Le marché de l’emploi est à l’arrêt. Revoir les règles de l’assurance chômage est urgent. Ensuite il faut trouver tous ensemble des solutions à la situation actuelle. Pas de simples pansements. Il faut une stratégie de l'emploi, une transition écologique et sociale.

Me voici ce 6 juin sur le pont de Choisy.

Je participe à une marche. Mon humble contribution à plus de solidarité et de justice sociale.

Une péniche fend l'eau. J'observe la surface de la Seine qui est soulevé à l'avant et les deux lames de proues écumantes qui sont repoussées de chaque côté de la barge.

Courage. Le pangolin vous salue bien.