[Journal] Le pangolin vous salue bien - Episode 6

Vendredi 3 avril au soir.
Presque trois semaines de confinement.
Début des vacances scolaires.

Nous applaudissons les soignants. C'est le rituel à 20 heures. Pourquoi fait-on ça, en fait ? Pourquoi le faire aujourd'hui plus qu'hier ? Est-ce pour nous dégourdir les bras après une journée en télétravail ? Est-ce pour faire un peu quelque chose ensemble ? Est-ce parce que le travail des soignants est dur ? Si oui, il était déjà dur hier. Est-ce parce qu'ils sauvent des vies ? Si oui, c'est leur boulot. Il leur est déjà difficile de le faire en temps normal. Les urgences sont en grève depuis plus d'un an. Est-ce parce qu'ils risquent leur peau ou qu'ils la laissent ? Dans ce cas il faudrait mieux observer cinq minutes de silence pour les sacrifiés. Je vais faire une proposition sous forme de question. Au lieu des applaudissements pour les soignants, vous ne préférez pas taper dans des casseroles pour interpeler les pouvoirs publics ? Ou allumer des bougies pour remettre en lumière une question qui était déjà posée au gouvernement français bien avant la crise sanitaire actuelle : quelle est la place de l'hôpital public ?

Samedi matin il fait froid. 8°C. Le marché n'est pas ouvert. Nous avons plusieurs supermarchés. Une chance. A Bondy Nord ils sont 21 000 habitants pour un seul supermarché.

En allant chercher de quoi manger nous voyons des personnes avec des masques. Plein. Où ont-ils trouvé ces masques ? Un stock de masques anti-poussière achetés pour du bricolage ? Des masques anti-lacrymo ? Des commandes effectuées en février en voyant monter la jauge d'alerte en Chine, en Iran, en Italie ?

Nous nous débrouillons avec ma femme pour nous fabriquer nos propres masques. Un modèle avec une serviette en papier, deux élastiques et des agrafes. Un autre modèle avec un simple tissu et deux simples élastiques. Très bien celui-ci, il évite d'aller chercher des agrafes.

L'après-midi je vais chercher du pain et me dégourdir les jambes. La météo est ensoleillée. Le thermomètre est monté à 21°C. C'est le début des vacances de printemps. Les rues et pelouses sont pleines de personnes qui jouent au ballon, de parents qui courent après leurs enfants à vélo ou à trottinette. Des groupes d'amis et de copains, quatre, cinq, six, sept personnes. Des groupes parlent à d'autres groupes. Plus un seul masque en vue. La chaleur a dissipé les craintes. Les soignants prennent eux d'infinies précautions. Penser à revenir à temps de la ballade pour les applaudir à 20 heures.

En Isère une attaque au couteau fait deux morts et cinq blessés dans un bureau de tabac et une boucherie. L'assaillant résume le massacre à un pétage de plombs.
Se poser. Respirer un grand coup. Tout va bien se passer. Une pensée pour les magasins d'alimentation, pour les caissiers et les livreurs.

Les activités du week-end défilent. Ménage, rangement. Les jeunes adultes à la maison commencent les premiers jours de vacances scolaires. Arrêt brutal des cours en ligne. Pas d'espoir de sortie. Les copains sont confinés.