Black Sabbath - Uncle Acid and the Deadbeats - 02/12/2013 - Bercy - Paris - Compte-rendu de concert - Concert review

FOUDROYANT
45 ans après avoir fondé le son du heavy-metal, Black Sabbath joue à Paris. Séquence émotion.



* Uncle Acid and the Deadbeats : killers on the road

Les anglais de Uncle Acid and the Deadbeats jouent un stoner doom bien gras, avec riff plombés de rigueur, basse monstrueuse, chant à deux voix. La musique nous plonge dans l'ambiance des films d'horreur des années 70, avec filles droguées, offertes dénudées au couteau du gourou. Le groupe sonne bien, les soli de guitares pleuvent. Un concert plaisant, quoi qu'il manque à mon sens la pincée d'énergie qui rendrait le groove imparable.
 
Setlist :
  1. Mt. Abraxas
  2. Mind Crawler
  3. I'll Cut You Down
  4. Death's Door
  5. Valley of the Dolls
  6. Over and Over Again
  7. Desert Ceremony

* Black Sabbath : odes à la joie

Les gars de Black Sabbath ont la foi! 45 ans après la fondation du groupe, 35 ans après s'être séparés dans la douleur à la fin des années 70, les membres du Black Sabbath originel sont à nouveau réunis. Seul le batteur Bill Ward manque à l'appel, officiellement empêché par des problèmes de contrat. Les trois autres sont là. Geezer Butler, à la basse et aux paroles des chansons, Tony Iommi à la guitare et Ozzy Osbourne au chant. Black Sabbath reste une influence majeure, revendiquée avec respect par 99,9% des groupes de métal. Tony Iommi se bat depuis début 2012 contre un cancer lymphatique. Ozzy Osbourne affiche au compteur 40 années de drogues et d'alcool et a été déclaré deux fois mort cliniquement. Ces gars sont animés par une sacrée rage d'en découdre, envers et contre tout.
Le concert est placé d'entrée de jeu sous le signe du son, de l'atmosphère et de l'amour. Black Sabbath c'est une résonance, une vibration magique entre la basse et la guitare. C'est immédiat, massif, puissant, comme le bruit des presses et des hauts fourneaux de Birmingham, ville industrielle natale de Black Sabbath. L'atmosphère est sombre, voire parfois effrayante. La lourdeur pesante est hissée par la voix (la plainte?) de Ozzy Osbourne. Ce climat de sourde menace, voire de désespoir, est contrebalancé par une énergie stupéfiante, un groove implacable qui vous botte le cul et vous donne des ailes. Les riffs sont lumineux, leur répétition inexorable étant tout simplement jouissive. Chaque morceau possède un moment d'accalmie qui rend le retour du riff encore plus énergique. Les soli sont de toute beauté. La musique du groupe n'a pas pris une ride en 45 ans.



La chanson "War Pigs" lance la soirée sur un thème anti-guerre. Lors de son écriture, nous étions en 1970, c'était la guerre du Vietnam, Black Sabbath chantait ""Les politiciens se cachent ailleurs, Ils viennent de commencer la guerre, Pourquoi devraient-ils aller se battre, Ils laissent ça aux pauvres". Un morceau d'une force hors du commun, avec des ruptures de rythmes jubilatoires. L'amour des musiciens pour leur musique est palpable, ces gars sont visiblement heureux de jouer. ça se voit et ça s'entend. Ce plaisir est contagieux, le public réagit immédiatement avec enthousiasme et renvoie de bonnes vibrations vers la scène. La magie opère entre le groupe et le public dès le début du concert.
Le groupe poursuit avec "Into The Void". Un titre majestueux dans lequel Geezer Butler nous conte une histoire de science-fiction (les paroles de Black Sabbath sont écrites par Geezer et non par Ozzy) : "Partout il y a la guerre, la haine, la misère et le deuil, La pollution tue l'air, la terre et les mers". Le riff puissant souligne le départ de l'Humanité vers une liberté espérée, au-delà des étoiles "Les moteurs de la fusée brûlent leur carburant si vite, Haut dans le ciel nocturne ils rugissent, A travers l'Univers les moteurs gémissent, Serait-ce la fin de l'Homme et des Temps?". Les éclairages sur scène sont très réussis. Les ambiances sont tour à tour chaleureuses ou froides et sont parfaitement coordonnées avec la tonalité des images diffusées en fond de scène. 



Le morceau "Under the Sun" est une charge contre les prêcheurs et une ode à la liberté de penser : "Je ne veux aucun illuminé pour m'expliquer le sens de la vie, Je ne crois pas en la violence, Je ne crois même pas en moi, Je ne veux aucun prêcheur pour me parler du bon Dieu dans le ciel, Non je ne veux personne pour me dire où j'irai quand je mourrai". Les écrans géants en fond de scène nous montrent des extraits de films ou de documentaires, avec leurs prêcheurs illuminés. Le son est très bon. On distingue parfaitement chaque instrument. Bravo à l'équipe en charge du rendu sonore.
"Snowblind" est un des plus beaux morceaux de Black Sabbath. Le riff est puissant et très groovy. Le chant est splendide. Les deux (!) soli sont foudroyants. L'émotion me submerge. Black Sabbath témoigne ici de sa plongée profonde dans les paradis artificiels de la cocaïne lors de l'enregistrement halluciné du 4ème album "Laissez le soleil de l'hiver se lever, Laissez-moi sentir le gel de l'aube, Remplissez mes rêves de flocons de neige, Bientôt je sentirai la lueur givrante, Un monde de cristal parsemé de fleurs d'hiver, Change mes jours en heures glacées". Sur les écrans on voit Tony Montana plonger la tête dans un tas de poudre blanche (une scène extraite du film Scarface de Brian de Palma, avec Al Pacino dans le rôle-titre). Black Sabbath est un groupe qui ne manque pas d'humour. Je vous renvoie aux autobiographies de Ozzy Osbourne et de Tony Iommi pour y lire la description des conditions ahurissantes et hilarantes de l'enregistrement de l'album "Vol. 4".

L'album "13" sorti cette année contient non seulement du nouveau matériel mais également de solides morceaux, dont ce magnifique premier extrait, "Age of Reason", gratifié d'un solo de guitare hallucinant. Geezer écrit toujours de superbes textes "J'ai toujours senti qu'il y avait un problème, La distraction de masse cache la vérité, Les jours au Prozac et les heures sans sommeil, Les graines du changement ne donnent pas de fruits".
Le nom de la chanson suivante est tiré du film "Black Sabbath", réalisé en 1963 par Mario Bava (ce film italien avec Boris Karloff s'appelle en France "Les trois visages de la peur"). C'est en constatant l'attirance des spectateurs pour les films d'horreur que le groupe décide d'écrire une musique au climat lourd et effrayant, puis rebaptise le nom du groupe, remplaçant le nom de Earth par celui de Black Sabbath. "Une grande forme noire, avec des yeux de feu, Devinant les désirs de chacun, Satan se tient là, il sourit, Regardez ces flammes grandir et grandir encore". LE morceau fondateur.
"Behind the Wall of Sleep", lui aussi tiré du premier album, rend hommage à l'univers de l'écrivain H.P. Lovecraft "Des visions à travers une fleur, Des pétales mortels aux pouvoirs étranges, Des visages illuminés de sourires mortels, Te regardent de haut lors de ton procès". Sur les écrans derrière le groupe, une dame vêtue de blanc nous regarde fixement, la bouche cousue (vraiment cousue), dans le chemin d'une forêt, un loup à ses côtés. Superbe.
 

Toujours issu du premier album, le morceau "N.I.B" enfonçait le clou de l'étiquette occulto-religieuse qui allait ensuite coller au groupe. Geezer Butler introduit le morceau avec un sensationnel solo de basse. J'adore ce bassiste! "Regarde dans mes yeux et tu verras qui je suis, Mon nom est Lucifer, je t'en prie prend ma main, Suis moi à présent et tu ne regretteras pas la vie que tu menais avant notre rencontre, Tu es la première à qui je donne mon amour, Pour toujours nous nous unirons jusqu'à la fin des temps". Entendre ce morceau en concert est une expérience proprement ébouriffante. Le son est fantastique, le groove énorme. A nouveau je suis submergé d'émotions.
Les deux guitaristes sont, comme à leur accoutumée, statiques sur scène. Ils sont totalement concentrés sur les cordes et font corps avec leur instrument. Ozzy Osbourne se charge d'allumer la flamme du public, de la transformer en feu puis d'entretenir le brasier. Ozzy est un frontman ahurissant, surtout quand, comme ce soir, il a la forme et que sa voix est au rendez-vous. Quelle voix! A 65 ans la voix n'atteint plus les notes suraigües de ses vingt ans mais elle reste puissante et formidable. Le morceau "End of the Beginning", deuxième extrait du dernier album en date, va nous le prouver encore si nécessaire, avec ses ambiances variées et sa structure complexe. Quant à Tony Iommi, très inspiré, il livre ici un de ses plus remarquables soli. Aux paroles, Geezer Butler questionne et alerte, encore et toujours. Le bassiste prépare lui aussi son autobiographie et je la lirai avec intérêt pour mieux comprendre ce qui motive ce musicien stupéfiant. "Allez-vous décider de ce qui fait de vous une entité? C'est votre identité, Si vous ne savez pas quel chemin parcourir, Vous pourriez être perdu et confus".

Retour en arrière avec le deuxième album de 1970 et le très rythmé "Fairies Wear Boots", avec son groove prodigieux, ses paroles extravagantes et sa chute hilarante. "En rentrant tard chez moi, la nuit dernière, Soudain j'ai eu une frayeur, J'ai regardé par la fenêtre et j'ai été surpris par ce que j'ai vu, Une fée avec des bottes qui dansait avec un nain. Alors je suis allé chez le docteur, voir ce qu'il pouvait me donner. Il m'a dit : "Mon garçon, mon garçon, tu es allé trop loin, Car fumer et déconner c'est tout ce que tu sais faire".
L'instrumental "Rat Salad", fort réussi, est suivi d'un solo de batterie de Tommy Clufetos. La démonstration technique est aussi inutile que dans 99% des autres soli de batterie (je vais me faire des copains). Reste que Tommy a la pêche et qu'il met le feu à la salle. Le reste du groupe revient sur scène est lance "Iron Man" qui enflamme Bercy. "Les lourdes bottes de plomb, Remplissent leurs victimes d'effroi, Les gens courent aussi vite qu'ils peuvent, L'Homme de Fer vit encore".

Troisième et dernier extrait du dernier album pour ce soir, "God is Dead?" déploie toute sa beauté. Le chant se fait émotionnel à souhait. Quel superbe morceau. "A qui pouvez-vous faire confiance quand la corruption et la luxure, Fondements de toutes les injustices, vous laissent vide et inachevé? Avec Dieu et Satan à mes côtés, des ténèbres viendra la lumière, Les voix dans ma tête me disent que Dieu est mort, Le sang se déverse, la pluie devient rouge, Je ne crois pas que Dieu est mort". Après cette plongée dans les mondes de la spiritualité, de la mystique et de la philosophie de l'esprit, Black Sabbath nous ramène dans les rues mal famées de la ville, dans un monde beaucoup plus charnel. Le titre "Dirty Women", avec son groove épatant, suit un homme déambulant dans les rues à la recherche d'une prostituée. "Les néons m'illuminent à nouveau, Je marche seul dans les rues à la recherche d'une amie, J'ai besoin d'une fille pour m'aider à passer la nuit, Si je pouvais en trouver une tout irait pour le mieux, Je vois un homme, il propose des femmes à emporter, J'espère que c'est la solution, les femmes à vendre ne se moquent pas de vous". Les écrans diffusent des filles nues issues des films de Russ Meyer. Un titre d'actualité puisque l'Assemblée Nationale vient d'adopter la proposition de loi pénalisant les clients des prostitué(e)s.
Ozzy nous demande de hurler bien fort pour le morceau suivant qui n'est autre que le splendide et ultra puissant "Children of the Grave" de 1971, avec sa révolte de la jeune génération. "Le soleil se lèvera-t-il demain, apportant la paix de quelque manière ? Le monde doit-il vivre dans l'ombre de la crainte nucléaire ? (Les enfants) Peuvent-ils gagner le combat pour la paix ou disparaitront-ils ?".

Le concert se conclut en rappel avec le célèbre "Paranoid" (que Tony Iommi fait précèder, avec un sourire espiègle, du riff d'introduction du morceau "Sabbath Bloody Sabbath"). "Je ne peux jamais me sentir heureux et l'amour est pour moi si irréel, Et comme tu m'écoutes parler de mon état actuel, Je te conseille de profiter de la vie, j'aurais aimé le faire aussi mais c'est trop tard". Ce titre mille fois entendu est toujours aussi énergique et efficace.
C'est la fin du concert. Ozzy Osbourne se prosterne devant le public, lançant un vibrant et chaleureux "Thank you, Thaaaaaank you all, Thank you for coming'". Les musiciens nous saluent. Enorme ovation.
Black Sabbath a réalisé une excellente prestation. La setlist était impeccable. Un très beau concert. Heureux!

Setlist :
  1. War Pigs
  2. Into the Void
  3. Under the Sun/Every Day Comes and Goes
  4. Snowblind
  5. Age of Reason
  6. Black Sabbath
  7. Behind the Wall of Sleep
  8. N.I.B.
  9. End of the Beginning
  10. Fairies Wear Boots
  11. Rat Salad (+ solo de batterie)
  12. Iron Man
  13. God Is Dead?
  14. Dirty Women
  15. Children of the Grave
Encore:
  1. Paranoid (avec en intro le riff de Sabbath Bloody Sabbath)
+ Zeitgeist (en fond sonore après la sortie de scène)

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