Amanda Palmer - La Boule Noire - Paris - 23 octobre 2008 - Compte-rendu de concert - Concert review

THEATRE IS ALIVE 
Amanda Palmer joue à la Boule Noire. Une soirée inoubliable.


Jason Webley : quand le sage montre le ciel du doigt, l’ivrogne regarde le doigt
J’arrive dans la salle juste à temps pour assister à l’entrée en scène de Jason Webley. Je me place assez près de la scène pour ne rien louper du spectacle. Passant en quelques secondes de l’animation bruyante du boulevard à l’ambiance intimiste de la petite salle de la Boule Noire, je me dis que je vais avoir du mal à entrer dans le spectacle de ce drôle de barbu seul sur la scène. Que nenni. Jason Webley m’emporte immédiatement dans son univers. La puissance de la voix et la musique de son accordéon irradient la salle. J’adore. Extrêmement à l’aise avec la foule, Jason nous avertit qu’il n’a le temps de jouer que quelques chansons et qu’il vaut mieux les écouter en étant un peu éméché. Comme nous n’avons pas le temps d’attendre les effets de l’alcool, il nous propose une astuce pour parvenir à l’ivresse : pointer le doigt de la main droite en l’air. Nous nous exécutons, dubitatifs mais participatifs. Puis Jason nous demande de faire douze tours sur nous même, en fixant notre doigt. Le résultat est saisissant : tout le public, désorienté, titube d’une manière fort convaincante. Jason Webley nous demande alors de prendre nos voisins de concert bras dessus bras dessous et entonne une chanson à boire. Et nous voici, hilares et heureux, dansant et braillant. Je suis totalement enchanté. Non seulement Jason a un charisme euphorisant, qu’il met intégralement au service du plaisir des spectateurs, mais en plus ses morceaux sont bons.

A noter que j’ai loupé deux premières parties avant Jason Webley : Deborah Says Play et Marie Darling.


Zoé Keating : osée
Steven Mitchell Wright , membre du Danger Ensemble, vient nous avertir que, tragiquement, Amanda Palmer est morte. Puis il laisse la place à Zoé Keating. Seule sur scène au violoncelle, la jeune femme tisse des ambiances mélancoliques et délicates avec son multi-pistes. Pari osé car elle passe derrière l’ouragan Jason Webley. Pari réussi car la jeune femme nous emporte sans problème dans ses jolis paysages sonores. Elle dédit un des morceaux à la mémoire de la défunte Amanda.

Amanda Palmer and the Danger Ensemble : punk cabaret is not dead
Le directeur du Danger Ensemble vient nous informer à nouveau du décès d’Amanda Palmer. C’est bien entendu une référence au titre de l’album « Who killed Amanda Palmer ? ». Zoé Keating au violoncelle et Lyndon Chester au violon lancent le spectacle (les deux musiciens reviendront à plusieurs reprises, notamment pour une introduction musicale au morceau « Half Jack »). Les membres de la troupe The Danger Ensemble viennent présenter la défunte Amanda, parée d’un voile mortuaire en dentelle. Parvenue à son piano, Amanda s’anime soudain et lance un tonitruant « Astronaut ». Quelle magnifique entrée en scène !
Amanda Palmer est donc accompagnée de la magnifique troupe de théâtre australienne The Danger Ensemble. je trouve les acteurs tous plus charismatiques les uns que les autres. Leur prestation, muette car uniquement gestuelle, est admirable. Les chansons vont faire l’objet de scénettes toutes plus belles et originales les unes que les autres. Je retiens tout particulièrement la chanson « Strenght through music » durant laquelle sont lus les noms des victimes de la tuerie en masse au lycée de Columbine. Les acteurs sur scène s’effondrent au sol un par un. La mise en scène est impressionnante de simplicité et produit une grande force émotionnelle. Sur une autre chanson j’adore la simulation de la neige qui tombe, réalisée avec des pétales de rose. Stupéfiant de beauté.
Amanda Palmer joue avec une béquille (une voiture l’a heurtée à Dublin). Ceci n’entame en rien le dynamisme de la dame qui va tout donner sur scène (et je sais pour l’avoir vécu qu’on fatigue beaucoup à se mouvoir avec un pied dans le plâtre).
Je suis subjugué par le spectacle et les émotions transmises par Amanda et sa troupe. Le public est très compact. La salle est blindée et nous sommes littéralement collés les uns contre les autres (je suis placé en 10ème rangée environ dans la foule). La densité est telle que je vais devoir attendre plusieurs morceaux avant de pouvoir dégager mes bras pour applaudir. L’osmose avec le public est immédiate et continue. C’est un de ces rares concerts où l’artiste a toute l’attention des spectateurs, bénéficiant dès l’entrée en scène d’une sorte de pacte de confiance. L’ambiance est au respect de la musique comme des silences de l’artiste.
Après le tonitruant « Astronaut », Amanda Palmer poursuit son concert avec des morceaux lent et laisse jaillir ses émotions. Je suis sous le charme de cette mélancolie.

Après cette vague de sensations fortes, Amanda Palmer passe à des chansons plus toniques et plus gaies. Elle commence également à interagir avec le public, avec de nombreux bons mots fort drôles. Il en faut du talent pour passer ainsi d’un climat solennel à une ambiance joyeuse, en l’espace de quelques instants. Seuls quelques artistes parviennent à réaliser un tel tour de force (je pense à Jacques Higelin qui me fait rire et pleurer dans une même soirée). L’ambiance est si réussie que Amanda et sa troupe ose une version karaoké du morceau « Guitar Hero » sans que cela ne nuise à la qualité du spectacle (la musique pré-enregistrée est de mise car le morceau requiert un groupe au complet avec batterie, basse et guitare).
Pour ajouter encore à l’ambiance, la troupe de théâtre vient interagir directement dans le public. Les membres de la troupe, deux hommes (Steve, déjà présenté, et Mark Hill) et deux femmes (Tora Hylands et Kat Cornwell), jouent volontiers la carte de la séduction et de l’ambigüité sexuelle. Amanda rayonne elle de féminité avec ses dessous affriolants (corset serré, bas et porte-jarretelles). Durant « Coin Operated Toy », les deux hommes viennent demander un baiser dans la foule, avec une pancarte « un bisou pour un sou ». Leur demande est exaucée par des hommes.
Amanda revient dans le registre des émotions à fleur de peau avec une reprise bouleversante de "Look Mummy, no hands" de Dillie Keane. La belle pleure en interprétant le morceau.
Retour ensuite à la fantaisie avec une reprise hilarante du « Umbrella » de Rihanna, entièrement en playback, mais avec une telle bonne humeur et de telles trouvailles visuelles (la bière ruisselle sur les parapluies) que l’adhésion du public reste entière.

En premier rappel nous avons droit à une version stupéfiante du mythique «Amsterdam » de Jacques Brel, interprété par un Jason Webley proprement habité à l’accordéon, une Amanda transcendée et la troupe de théâtre qui évoque les marins et les prostituées avec toute la fougue mêlée de tristesse qui sied à la chanson. Sur scène la bière coule à flots, bien à propos.
Durant une reprise de Bon Jovi, Amanda Palmer nous informe que le prix de la soirée ne paye pas les personnes de la troupe de théâtre qui la suivent bénévolement depuis l’Australie. Les membres de la troupe viennent recueillir des dons dans le public, dons que l’on peut déposer dans les bottes qui nous sont tendues. En parallèle Amanda et Jason discourent sur scène sur le message philosophique des paroles de la chanson du « grand maître zen » Bon Jovi ». Très amusant.
Cerise sur le gâteau, le duo de chanteurs nous offre une reprise d’«Elisa »de Serge Gainsbourg.

En deuxième rappel Amanda livre une version épatante du « Creep » de Radiohead, seule au ukulélé et a capella (sans l’amplification du micro).Une interprétation exemplaire qui clôt un spectacle fascinant et généreux.

Je souligne la qualité des lumières et du son tout au long de la soirée. Bravo à l’équipe en charge.
Je sors de la salle, plongeant dans l’animation du boulevard. J’ai un sourire radieux et la conviction d’avoir vécu une soirée rare, magnifique, magistrale, ébouriffante, vivifiante, mélancolique, joyeuse, bouleversante, dynamisante, vivante, fabuleuse, variée, éblouissante, inoubliable.

Un des plus beaux concerts auxquels j’ai assisté, tout artiste et toute année confondus.

* Setlist Amanda Palmer :
  1. Astronaut (A Short History of Nearly Nothing)
  2. Ampersand
  3. Blake Says
  4. Bad Habit (The Dresden Dolls cover)
  5. Strength Through Music
  6. Guitar Hero
  7. Mrs. O (The Dresden Dolls cover)
  8. Coin-Operated Boy (The Dresden Dolls cover)
  9. Instrumental
  10. Half Jack (The Dresden Dolls cover)
  11. Look mummy, no hands (Dillie Keane cover)
  12. My Umbrella (Rihanna cover)
Rappel :
  1. Amsterdam (Jacques Brel cover)
  2. Living on a Prayer (Bon Jovi cover)
  3. Elisa (Serge Gainsbourg cover)
Rappel 2:
  1. Creep (Radiohead cover)

Amanda Palmer - La Boule Noire - Paris - 23 octobre 2008 - Compte-rendu de concert - Concert review Amanda Palmer - La Boule Noire - Paris - 23 octobre 2008 - Compte-rendu de concert - Concert review Reviewed by Concerts expos by Pat on septembre 26, 2009 Rating: 5

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