[Concert] Grima - Houle - La Péniche Antipode - Paris - 06/01/2023

MÈRE NOCTURNE
Soirée black metal à la Péniche Antipode. Avec les hiboux de Grima. Chouette.



"Gronde ! Hurle ! Gronde ! Hurle !
Laisse-moi admirer ta colère."
Houle - Au Loin La Tempète

"La lumière du soleil ne percera pas, il n'y a aucun espoir"
Grima - Siberian Sorrow


Avis de tempête et de blizzard sur Paris. C'est soirée black metal à la Péniche Antipode. Nous allons chercher le chemin dans le froid et la pénombre. Suivez-nous.
 
 
C'est la première fois que nous nous rendons à un concert à la Péniche Antipode. Après soixante années de fret en Europe, la péniche a jeté l'ancre à Paris en 2002, dans le bassin de la Villette. Le lieu propose bar, restaurant, cabaret et concerts. La salle en cale accueille une centaine de spectateurs.

Ce soir le concert est complet. En tête d'affiche nous venons voir Grima, un duo russe originaire de Sibérie qui oeuvre dans le black metal atmosphérique. Le groupe passe en France ce mois de janvier pour six dates dont celle-ci est la première. Le groupe a obtenu un visa jusqu'en mars. Les membres ne savent pas ce qui va se passer ensuite. Ils pourraient ne pas revenir en Europe avant de longues années. Jusqu'à ce que ce monde insensé revienne à la raison.

Ce sont les parisiens de Houle qui ouvrent la soirée. Houle est un tout jeune groupe de Black metal mélodique parisien formé en 2021. Houle entre en scène dans la pénombre. Les musiciens sont vêtus de ciré de marin et de pulls déchirés. Leur maquillage évoquent des matelots broyés par quelque tempête. La chanteuse traverse la foule avec une lampe de tempête pour rejoindre la scène. L'effervescence dans les premiers rangs nous indique qu'une partie du public est venue voir le groupe. Nous sommes curieux de voir comment Houle va transformer sur scène son sympathique EP éponyme de quatre titres.
 

 
Le show démarre par un instrumental pré-enregistré qui plante le décor avec cris de mouettes et bruit de vagues. La traversée commence avec "Le Continent". Le riff est acéré. Les mélodies sont visiblement écrites par le guitariste lead. La basse claque agréablement. La batterie frappe juste et fort. Le son est fort bon. Les vocaux hurlés, déchirants, sont un point fort. Un solo en arpèges, qui passe très bien sur l'EP, sonne un peu appliqué en concert, peut-être un peu trop en avant dans le mix. Un bruit de vent est enchaîné juste derrière la dernière note de guitare. Un son de cloche retentit. C'est "Au Loin La Tempête". La charge est puissante, les vocaux prenants, la basse roule. Nous sommes emportés par le flot sonore qui évoque l'immensité implacable de l'océan. Voici "Sur Les Braises Du Foyer" (qui n'est pas sur l'EP). Un refrain très convaincant, un chant clair. Un morceau qui frappe fort, avec des arpèges pour conclure et basculer vers "La Dernière Traversée". Basse et guitares, craquements des mâts, l'ingénieur son a capté le bateau sur les flots. Ce début rappelle bien sûr le "Rime of the Ancient Mariner" d'Iron Maiden. Le morceau continue avec des sons cristallins de guitare, une plainte étouffée de la chanteuse puis c'est une déferlante black metal. Les hurlements sont agrémentés de quelques vocaux clairs évoquant la noyade. "Ni tracas, ni regret, ni rancune". Les forces de l'eau et du vent ont raison de l'homme. Le morceau "Mère nocturne" commence par un roulement de toms et un riff prenant. Le titre est une belle composition, très immersive, avec juste ce qu'il faut de changement de rythme pour nous tenir en haleine. Le tout avec un refrain brillant. "Sous L'Astre Noir", quatrième titre issu de l'EP, bénéficie d'un riff de guitare impeccable, d'une cadence effrénée et d'un grand pouvoir évocateur. Après le chaos et la peur de l'inconnu, les âmes arrivent à leur destination funeste et paisible. Les musiciens sortent détrempés de cette mortelle traversée. Le public est ravi de s'être noyé dans cette ambiance. Une réussite pour un si jeune groupe.

 

* Setlist Houle :
  1. Le Continent
  2. Au Loin La Tempête
  3. Sur Les Braises Du Foyer
  4. La Dernière Traversée
  5. Mère Nocturne
  6. Sous L'Astre Noir

Les russes de Grima ont parcouru 10 000 km depuis leur Sibérie natale. Ils viennent d'un lieu où il fait -30°C en ce moment et arrive à Paris où il va faire 7°C cette nuit. Grima a été fondé par les jumeaux Velhelm et Morbius et défend sa musique sur scène en quartette. Le duo développe un concept, celui d'un culte de la forêt ancienne, de son pouvoir, de sa magie, où le Grima est un esprit puissant. De fait les musiciens apparaissent vêtus de toges noires et portent des masques qui les placent visuellement quelque part entre un hibou et un arbre.
Les musiciens ont apporté un soin extrême à leur transformation. Les mains, les doigts, les ongles sont peints ainsi que les visages derrière les masques, Tout est fait pour évoquer des esprits de la forêt. Les musiciens ne communiquent que par une gestuelle d'oiseau de nuit craintif.
 

Le groupe met à l'honneur son album "Frostbitten", le cinquième déjà, en commençant par "Gloomy Heart of the Coldest Land". Le mur de guitares fait ressentir un froid polaire. Des arpèges, des variations bienvenues, des nappes de claviers préenregistrés discrètes accompagnement les envolées lyriques sous une rythmique implacable et un chant strident. Grima nous déplace dans les sombres et glaciales forêts de Sibérie. Et ça marche.
"Giant's Eternal Sleep" commence par un joli lacis de guitare puis c'est l'avalanche sonore. Il faut dire que Grima joue avec trois guitares. Une puissance qui évoque le froid de l'immensité des montagnes, leurs sommets inaccessibles, les lacs gelés par le blizzard. Après ce passage tumulteux, place à "Moonspell and Grief" et sa longue respiration mélancolique. Rudesse et souffle épique, avec voix claire et hurlements stridents. Le gel de l'hiver commence à mordre la chair. Nous apprécions l'important travail des guitares.
"Hunger God" bénéficie d'une belle montée en puissance avec son riffing dément et ses à-coups. L'ambiance devient inquiétante, le chant est hostile. La nature met à rude épreuve celui qui s'aventure dans les paysages glacés. Il se retrouve les jambes brisées dans un ravin avec une bête sauvage qui approche dans la nuit. Une mélodie au bayan, sorte d'accordéon, ouvre avec intensité le titre "Winter Morning Tower". Les vocaux sont toujours hurlés avec des variations bienvenues dans les graves. C'est un long morceau décrivant l'ascension d'un sommet enneigé. Le froid crevasse les mains, le givre enveloppe les yeux, les corbeaux croassent, les pics pointus n'ont pas de fin. La musique évoque avec force et mélodie ce chemin difficile. Les entrelacements des arpèges sont superbes, rehaussés par un retour du son du bayan. La cohérence d'ensemble de ce long morceau est telle que l'ambiance est majestueuse et l'émotion intense. Nous voyons les ombres qui tombent silencieusement sur la montagne blanche. Le public écoute avec sérénité, en harmonie avec la musique jouée.
 
 

Après ces cinq morceaux mettant à l'honneur le dernier album "Frostbitten", voici un extrait de l'album précédent "Rotting Garden" avec "Cedar and Owls". Nous notons l'importance apportée aux claviers pour soutenir le souffle immense généré par les guitares, le tout propulsé par une batterie dynamique. Un magnifique passage calme évoque le silence de la nuit tout juste interrompu par le cri des hiboux qui se réunissent pour tenir conseil dans les cèdres. Puis une envolée nous emporte par sa puissance et sa mélodicité. La mère Nature nous invite à une contemplation nocturne. Place maintenant à l'abum "Will of the Primordial" avec en premier extrait "Enisey". L'Ienisseï est le plus grand des fleuves qui se jettent dans l'océan Arctique. La musique suggère la puissance primitive de ces eaux glacés. "Leshiy" nous parle d'une divinité gardienne de la forêt. "The Shrouded in Darkness" maintient la formule magique avec son mélange de puissante pulsation rythmique, de chant déchirant, d'agressivité et de mélodies. Le bayan résonne au début de "Siberian Sorrow". Nous sommes perdus, marchant dans l'obscurité d'une dense forêt sibérienne figée dans la neige et la glace. Le froid nous envahit.

Fin du concert. Le public en redemande mais il n'y aura pas de rappel. Grima nous a suggéré des images d'une nature immense, magnifique et glacée, fragile et hostile, qui punit quiconque ne la respecte pas. La sincérité est palpable au travers du souffle intense de la musique qui génère des émotions profondes. Un très beau concert.

* Setlist Grima :
  1. Gloomy Heart of the Coldest Land
  2. Giant's Eternal Sleep
  3. Moonspell and Grief
  4. Hunger God
  5. Winter Morning Tower
  6. Cedar and Owls
  7. Enisey
  8. Leshiy
  9. The Shrouded in Darkness
  10. Siberian Sorrow

Vue sur le bassin de la Villette depuis la passerelle piétonnière de la Moselle.
[Concert] Grima - Houle - La Péniche Antipode - Paris - 06/01/2023 [Concert] Grima - Houle - La Péniche Antipode - Paris - 06/01/2023 Reviewed by Concerts expos by Pat on janvier 13, 2023 Rating: 5

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