[Concert] New Model Army - Arno Futur - La Maroquinerie - Paris - 09/10/2019

PLANETE EN COLERE
New Model Army joue à la Maroquinerie. « C'est un bon endroit » nous dit le chanteur.

New Model Army vient défendre son quinzième album « From Here » à la Maroquinerie à Paris. La salle affiche complet. Je retrouve dans le public quelques connaissances et habitués. Je constate que de nombreux spectateurs sont de nouveaux adeptes. Des jeunes adultes voire des adolescents. Presque quarante ans après ses débuts, New Model Army touche une nouvelle génération.

En première partie, les français d'Arno Futur entretiennent la flamme du mouvement punk. L’auteur-compositeur-interprète arbore une tenue sur laquelle est marqué la phrase « Survivre, c’est mourir au ralenti ». Avec son groupe (deux guitares, une basse, une batterie programmée), Arno Futur joue des morceaux de son album solo « Cannibal intérieur ». J'ai manqué le début du concert. La voix est enflammée de rage anarchique et de communion (« Je suis un problème », « Je vous aime »). La reprise de « Camarade » (morceau des Sales Majestés, ex-groupe d'Arno Futur) ferme un concert pêchu et prenant.

New Model Army ouvre sa prestation avec le morceau « One of the Chosen». Un démarrage toute en puissance. L'enchaînement sur « Never Arriving », robuste extrait du nouvel album « From Here », annonce une soirée énergique. Je constate que la formation actuelle de New Model Army est parfaitement en place. Les innovations apportées par le nouveau bassiste Ceri Monger, intégré en 2012, sont digérées et intégrées. Son influence sur la rythmique de New Model Army est flagrante. Les percussions sont nettement mises en avant et Michael Dean s'en donne à coeur joie à la batterie. New Model Army expérimente de nouvelles voies tout en conservant un son immédiatement  reconnaissable. Là est peut être la clef de la longévité et de la capacité de la formation à capter l'attention d'un jeune public. Marshall Gill est présent à la guitare depuis 2005. Dean White assure synthés et guitare, fidèle au poste depuis 1993. Justin Sullivan, chanteur et guitariste leader, porte lui le flambeau depuis 1980.

Avec quinze albums au compteur, choisir la liste des morceaux est une entreprise difficile. New Model Army fait le pari d'évacuer toute nostalgie. Place aux morceaux récents. Ce soir ce seront huit titres du dernier album qui seront joués. Cinq titres seulement datent d'avant 1990. New Model Army est centré sur son présent et non sur ses acquis. A la fin du concert, quand bien même une partie du public chante seule le refrain de « Vagabonds », le groupe ne jouera pas ce morceau phare de son répertoire. New Model Army n'est pas là pour nous faire plaisir mais pour délivrer la meilleure musique de la plus belle manière. C'est une attitude propre au groupe et c'est rassurant de voir qu'il parvient à s'y tenir après tant d'années.

La candeur des hymnes des années quatre-vingt n'est pas de la partie, pas plus que les chansons aux paroles trop innocentes. Justin ne chante pas le titre « Heroes ». A soixante ans passés, à quoi bon expliquer à ses parents qu'ils ne sont plus des héros à nos yeux ? Il est temps de nous questionner sur notre statut, sur ce que nous avons transmis, sur la manière dont nous continuons à communiquer et à être combatif. Le poids des années joue. Les paroles sont imprégnées de cette compréhension physique du temps qui reste à vivre. Le temps déjà passé n'a pas apporté la paix. La colère reste prégnante. New Model Army fait le choix de recentrer le choix des titres sur la partie électrique de son répertoire. Justin Sullivan parle peu (« ne comptez pas sur moi pour vous parler de cette stupidité qu'est le Brexit »). Il préfère faire parler la poudre des instruments. Le groupe a le don de faire bouger une salle. La fosse se transforme très vite en une joyeuse bousculade.
La crise sociétale et environnementale est palpable tout au long du concert dans l'émotion chargée de colère que dégage la musique. Justin Sullivan nous souhaite « Bon courage » (en français dans le texte) à plusieurs reprises. Ce n'est pas un hasard si le dernier morceau de la liste prévue ce soir se conclut par les mots suivants : « Je vis sur une planète en colère ».

Quelques mots sur la salle de la Maroquinerie. Je retrouve cette salle avec bonheur. c'est à mes yeux la plus belle salle de Paris. L'acoustique est superbe, la taille adéquate et la magie de la communion opère à chaque fois. Un groupe comme New Model Army ne peut qu'être sensible à cette magie. Justin Sullivan recherche la communication d'une énergie et de sensations. Ce qui fonctionne dans les deux sens ce soir. Justin Sullivan le souligne au bout de quelques morceaux : « It's a good place (c'est un bon endroit) ».
Lorsque le groupe revient sur scène pour le rappel, Justin se rappelle avoir déjà joué dans cette salle auparavant (nous aussi nous nous rappelons du fabuleux concert de 2009 en ce lieu). Justin évoque la possibilité de revenir jouer dans cette salle l'année prochaine pour les quarante ans du groupe. Un joyeux chaos s'ensuit dans le public, entre proposition farfelue de fêter l'anniversaire au Stade de France (ce qui fait beaucoup sourire Justin) et chant d'anniversaire (entonné une année trop tôt). Fidèle à son habitude, New Model Army a choisi en coulisses les trois morceaux du rappel et nous achève avec le tout récent « Great Disguise » puis deux très anciens titres, « Courage » et «Betcha ».

Les lumières se rallument. Une partie du public commence à quitter la salle tandis que l'autre partie ovationne le groupe. Je me dirige vers le premier rang. Le public dans la fosse est fatigué d'avoir tant remué, les traits sont à la fois tirés et extasiés. New Model Army ne résiste pas à l'appel et revient nous asséner dans une ultime décharge d'énergie une version éblouissante de « Get Me Out » à laquelle le public répond avec bruit et ferveur.

A l'année prochaine pour les quarante ans du groupe.

* Setlist :

1. One of the Chosen
2. Never Arriving
3. The Weather
4. The Charge
5. Watch and Learn
6. 51st State
7. Believe It
8. From Here
9. Where I Am
10. WipeOut
11. Maps
12. Over the Wire
13. Passing Through
14. Winter
15. Here Comes the War
16. States Radio
17. Fate
18. Angry Planet

Encore :

1. Great Disguise
2. Courage
3. Betcha

Encore 2 :

1. Get Me Out