Andrzej Wajda est mort - 1926 - 2016

Beaucoup plus que "Danton", "L'homme de marbre" ou "L'homme de fer", c'est le film "Kanal", réalisé en 1957, qui a marqué mon esprit de cinéphile.
L'action de "Kanal" se déroule à Varsovie le 25 Septembre 1944. Le lieutenant Zadra conduit une unité de 43 soldats et résistants polonais dans les ruines, sous le feu de l'armée allemande qui les encercle. Acculés, le détachement est contraint de fuir en descendant dans les égouts. La deuxième partie du film est stupéfiante. Dans un noir et blanc magistral, Andrzej Wajda suit des hommes et des femmes traqués, se perdant, s'isolant dans la pénombre des canalisations. La lumière, éclatante, quand elle paraît, est synonyme de mort. La résistance vacille, entre combativité et découragement. La solidarité est confrontée au lent travail de sape de la peur. Evitant tout manichéisme et tout héroïsme, Andrzej Wajda plonge ses personnages dans un cauchemar étouffant. Les ombres se font menaçantes, les bruits sourds se répercutent le long des murs, un brouillard s'élève de la fange. Même si elle n'est pas évoquée dans le film, on sait que les traqués attendront en vain l'aide des Soviétiques, qui marquent le pas volontairement à l'entrée de la ville, laissant les Allemands massacrer les résistants polonais. Le film se garde d'évoquer ce sombre aspect de la Seconde Guerre Mondiale, la censure n'aurait pas laissé passer un message aussi direct. Andrzej Wajda ose montrer la réalité : la résistance a été massacrée dans les égouts, dans l'obscurité et la brutale perte des repères. Un climat qui emprunte ouvertement au genre fantastique. Survivant du groupe de résistant, Stanislaw Grzelecki témoignera que le film est fidèle à l'expérience vécue dans le cloaque de la ville meurtrie.