Francesca Woodman - On Being an Angel - Fondation Henri Cartier-Bresson - Paris - du 11/05 au 31/07/2016 - Compte-rendu de visite


DEVENIR UNE FEMME
La Fondation Henri Cartier-Bresson présente l'oeuvre de Francesca Woodman


"Suis-je sur la photo ?
Est-ce que j'y entre ou est-ce que j'en sors ?
Je pourrais être un fantôme, un animal ou un cadavre,
Pas juste cette fille debout dans le coin"
Francesca Woodman

L’exposition consacrée à Francesca Woodman est constituée d’une centaine de tirages, vidéos et documents, retraçant la carrière de l'artiste de 1975 à 1980

Untitled, Rome, Italie, 1977-1978

Francesca Woodman utilise son corps comme sujet principal de ses photographies. Elle se met en scène dans des endroits clos, chambre ou atelier. Les lieux sont souvent vides, à l'exception d'objets choisis avec un soin visible. Un miroir, un drap, une feuille de papier suffisent pour tout accessoire. Les murs et les sols sont souvent nus, ce qui permet à l'artiste de jouer avec leur texture. Francesca Woodman privilégie les temps de pose très longs. Ceci confère à ses clichés une atmosphère fantastique. Le visage et le corps sont parfois flous, ajoutant à l'ambiance fantomatique. La photographe cherche à visualiser son ressenti dans ses clichés, à imprimer ses émotions sur le tirage. Le miroir revient souvent comme accessoire majeur. Il renvoie, rarement, le reflet de l'artiste. Le plus souvent il reflète peu, une paire de jambes, le bas d'un visage. Parfois il ne reflète rien et le regard plonge alors dans la profondeur de l'image.
 
Self-Deceit # 1, Rome, Italy, 1978

Untitled, Providence, Rhode Island, 1975-1978

Francesca Woodman joue à cache-cache. Avec elle-même d'abord. Avec la personne qui regarde le cliché ensuite. De manière très espiègle, elle se fond parfois dans le décor. On ne découvre sa présence qu'après quelques instants d'observation (comme dans la vitrine aux animaux empaillés). La jeune femme explore son esprit, son corps, la féminité de ses formes. Elle pose souvent avec des masques. Notre corps nous définit-il encore si nous portons un masque ? Si oui, nous définit-il encore de manière absolue, évidente ? La réponse apparaît négative lorsque Francesca pose nue avec deux de ses amies. Les corps semblent alors fort identiques. L'oeuvre de Francesca Woodman impressionne par cette faculté à créer le trouble, à ouvrir des abîmes dans une simple pièce d'appartement, à jouer avec nous.
 
House # 4, Providence, Rhode Island, 1976

About Being My Model, Providence, Rhode Island, 1976

Self-Deceit # 7 Rome, Italy, 1978


Untitled, Providence, Rhode Island, 1975-1978

Des films tournés lors des séances de prises de vue permettent de constater que Francesca Woodman n'est pas seule. Quelqu'un est là qui appuie sur la détente pour obtenir ces longues expositions. Quelqu'un qui partage le plaisir d'avoir obtenu un bel effet visuel. Les films sont autant d'indices qui permettent de comprendre ce que recherche Francesca Woodman dans ses clichés. Le suicide à 22 ans de l'artiste tend à obscurcir la clarté de ses images. Beaucoup voit dans le jeu de cache-cache un souci obsédant de disparaître (dans le décor, dans le mobilier, dans le miroir, dans le flou). Nous voyons au contraire le souci d'apparaître, de se révéler, d'entrer dans la pièce. Dans un des films la jeune femme est derrière une feuille de papier qui masque son corps, elle écrit son nom sur la feuille, la déchire peu à peu et apparaît à notre regard. 
 

Untitled, New-York, 1979-1980

Francesca Woodman utilise également des objets appartenant à sa grand-mère, questionnant ainsi la transmission familiale de femme en femme. Ces objets donnent un côté suranné à certains clichés. Quand Francesca Woodman découvre la photographie de mode, c'est à nouveau pour questionner son statut de femme. Elle met des dessous féminins, joue avec les colliers de perle et les bas. De son vivant elle ne publie qu'un seul livre "Some Disordered Interior Geometries, Certaines géométries intérieures désordonnées", juste avant de disparaître en janvier 1981. Les murs de l'exposition sont colorés avec la même couleur rose violet que la couverture de ce livre.

Une très belle exposition.


Voici des films réalisés par l'artiste, issus d'un documentaire consacré à l'artiste. Dans l'exposition à la Fondation Henri Cartier-Bresson, vous retrouvez ces films sans l'inutile musique d'accompagnement présente dans le documentaire.
 





«Un geste comme celui-ci se prépare dans le silence du cœur au même titre qu’une grande œuvre.
[…] Commencer à penser au suicide, c’est commencer d’être miné.
La société n’a pas grand-chose à voir dans ces débuts.
Le ver se trouve au cœur de l’homme. C’est là qu’il faut le chercher.
Ce jeu mortel qui mène de la lucidité en face de l’existence à l’évasion de la lumière,
il faut le suivre et le comprendre»

Albert Camus - Le mythe de Sisyphe
Francesca Woodman - On Being an Angel - Fondation Henri Cartier-Bresson - Paris - du 11/05 au 31/07/2016 - Compte-rendu de visite Francesca Woodman - On Being an Angel - Fondation Henri Cartier-Bresson - Paris - du 11/05 au 31/07/2016 - Compte-rendu de visite Reviewed by Concerts expos by Pat on juillet 19, 2016 Rating: 5

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