The Vision Bleak - Saturnus - John Haughm - Le Petit Bain - Paris - 14/04/2016 - Compte-rendu de concert - Concert review

UNE DESCENTE DANS LE MAELSTROM
Saturnus joue à Paris. Magnifique et rare. Avec The Vision Bleak et John Haughm pour parfaire la soirée


Garmonbozia a réuni une belle affiche au Petit Bain avec rien moins que The Vision Bleak, Saturnus et John Haughm. Le lieu est fort original puisque la salle de concert flotte sur la Seine.




John Haughm : le bateau semblait suspendu comme par magie
En ouverture de la soirée, le guitariste John Haughm se produit en solo. John avait joué l'année dernière dans la même salle avec son groupe Agalloch. Agalloch est un des groupes qui a produit la musique qui m'a le plus touché et remué. Il est assez rare de voir Agalloch tourner en France et il est sans doute exceptionnel de voir John Haughm jouer en solo comme ce soir. Avant sa performance, un texte est projeté en fond de scène. Il s'agit d'un extrait du roman "Méridien de sang" de Cormac McCarthy. Lorsque que le guitariste entre en scène, le texte est remplacé par des vues de paysages américains arides (qui m'ont fait penser au désert du Nouveau Mexique). Muni d'une impressionnante rangée de pédales d'effet et de boucle, John Haughm superpose des nappes de sons, texturant l'espace sonore afin d'évoquer l'immensité des paysages. Il créé un climat oppressant, étouffant. Je suppose qu'il cherche à nous faire ressentir la noirceur et la violence du roman de McCarthy. Personnellement j'ai eu un peu de mal à rentrer dans la performance tant elle est froide et intense, l'attitude très réservé du guitariste venant renforcé ce ressenti. Les envolées finales ont cependant infléchi légèrement mon avis, John Haughm parvenant au final à me faire ressentir une partie de ses émotions.



Setlist :
  1. 1895 Drone // Ebow
  2. + 37.7 // Last place I (Whiskey + Rusty Nails)
  3. Ghost tremolo (Pale horse loop)
  4. Life is a memory
  5. Morbid Nomad
  6. Loop
  7. 1895 Grave
Saturnus : dans les plus intimes profondeurs de l’abîme
Les danois de Saturnus jouent pour la troisième fois en France en vingt ans de carrière (précédemment vus au Klub en 2008 et au Glazart en 2013). J'adore ce groupe et je vais savourer leur prestation. Je suis aux anges car le son est de toute beauté. Un grand merci à l'ingénieur son qui fait un travail remarquable ce soir. Chaque instrument est parfaitement identifiable et les vocaux sont admirablement rendus. Saturnus m'emmène dans son univers mélancolique aux atmosphères raffinées. Les musiciens sont au service de la musique. Nulle esbrouffe ici. Le maître mot est de restituer de puissantes émotions avec un jeu de scène d'une extrême simplicité. Les riffs sont plombés, les rythmiques sont d'une lourdeur abyssales, les grognements viennent des profondeurs, les plaintes sont éternelles. Dans la triste noirceur du monde de Saturnus, un maigre espoir fait attendre la lueur du jour. L'accablement de l'âme est balancé par la chaleur et la générosité des musiciens. Les morceaux de Saturnus tende un pont permanent entre les contraires, alliant regret et consolation, peine et joie, angoisse et calme. Le spleen ambiant enflamme l'esprit et le rythme pesant déboite les cervicales. Le chanteur Thomas Akim Grønbæk Jensen, seul membre originel du groupe depuis 1993, présente chaque morceau en citant titre et album. La setlist, très équilibrée, pioche dans chacun des quatre albums de Saturnus. On note au passage l'absence de claviers. Le claviériste Mika Filborne a quitté le groupe en novembre dernier pour raisons personnelles et les parties piano/claviers sont jouées ce soir sur bande. Saturnus bénéficie ce soir d'un temps de jeu d'une heure et quart. Bien plus qu'au Glazart en 2013. Une excellente nouvelle. Le groupe en profite pour nous livrer un tout nouveau morceau, encore provisoirement intitulé "Thorns". Cette pièce m'a saisi et bouleversé du début à la fin. Un moment de transe. Saturnus a conclu avec «Christ Goodbye », entre émoi de l'âme et bouillonnement de rage. Un concert magnifique d'un groupe passionnant.







Setlist :
  1. Rain Wash Me
  2. I love Thee
  3. Wind Torn
  4. Forest of Insomnia
  5. Empty Handed
  6. I long
  7. Thorns
  8. Christ Goodbye

The Vision Bleak : d'effroi, d’horreur et d’admiration
The Vision Bleak est un groupe allemand fondé par Ulf Theodor Schwadorf (aka Markus Stock de Empyrium) et par Allen B. Konstanz (Nox Mortis). Autant j'adore Empyrium, autant j'ai du mal à entrer dans l'univers musical de The Vision Bleak. Pour les textes c'est plus facile. Je retrouve toute l'imagerie des mes écrivains favoris du XIXe siecle et du début du XXe siecle (Edgar Allan Poe, Ambrose Bierce, William Hope Hodgson, H.P. Lovecraft). Les paroles évoquent les Carpates, les loups-garous, les secrets de l'Ancienne Egypte, les entités enfouies dans les profondeurs de l'océan et autres sorcières. Les musiciens jouent avec passion. Le rythme est haletant. Konstanz varie son chant à chaque morceau et son expression théatrale dynamise encore la prestation. Schwadorf enchaîne les riffs avec un enthousiasme communicatif. Ses soli sont à la fois féroces et mélodiques. Lors de certains refrains le chant black de Schwadorf vient compléter à merveille le chant déclamatoire de Konstanz. The Vision Bleak parvient dès lors à me faire entrer dans son monde, m'entrainant par exemple dans la profondeur du gigantesque tourbillon d'eau issu de la nouvelle "Une descente dans le maelström" d'Edgar Allan Poe. Un nouvel album est à paraître en juin, "The Unknown". Le groupe en propose plusieurs morceaux ce soir. J'apprécie plus particulièrement "The Kindred Of The Sunset", fort percutant, ainsi que "The Whine Of The Cemetery Hound" avec ses splendides riffs lourds et sombres. Une prestation ébouriffante, d'excellents nouveaux morceaux, j'en conclus qu'il va falloir que j'écoute plus attentivement ce groupe. Parfois il faut un peu de temps pour appréhender un univers.







Setlist :
  1. Spirits Of The Dead
  2. From Wolf To Peacock
  3. The Night of the Living Dead
  4. Carpathia
  5. The Kindred Of The Sunset
  6. Into The Unknown
  7. Hexenmeister
  8. Kutulu!
  9. Cannibal Witch
  10. The Whine Of The Cemetery Hound
  11. Descend Into Maelstrom
  12. Elizabeth Dane
  13. By Our Brotherhood With Seth
  14. The Wood Hag
  15. The Lone Night Rider

 Illustration par l'artiste Harry Clarke, 1919

En clin d'oeil à l'univers des groupes vus et entendus ce soir, voici un peu de lecture pour toi qui aime les récits délicieusement angoissants :
"Jamais je n’oublierai les sensations d’effroi, d’horreur et d’admiration que j’éprouvai en jetant les yeux autour de moi. Le bateau semblait suspendu comme par magie, à mi-chemin de sa chute, sur la surface intérieure d’un entonnoir d’une vaste circonférence, d’une profondeur prodigieuse, et dont les parois, admirablement polies, auraient pu être prises pour de l’ébène, sans l’éblouissante vélocité avec laquelle elles pirouettaient et l’étincelante et horrible clarté qu’elles répercutaient sous les rayons de la pleine lune, qui, de ce trou circulaire que j’ai déjà décrit, ruisselaient en un fleuve d’or et de splendeur le long des murs noirs et pénétraient jusque dans les plus intimes profondeurs de l’abîme."
Extrait de "Une descente dans le Maelström"
écrit par Edgar Allan Poe en 1841,
traduit par Charles Baudelaire

The Vision Bleak - Saturnus - John Haughm - Le Petit Bain - Paris - 14/04/2016 - Compte-rendu de concert - Concert review The Vision Bleak - Saturnus - John Haughm - Le Petit Bain - Paris - 14/04/2016 - Compte-rendu de concert - Concert review Reviewed by Concerts expos by Pat on avril 17, 2016 Rating: 5

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